Marseille sera champion d’Europe des ATP

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 7 janvier 2000 - 813 mots

La délocalisation restait une expérience inédite pour un musée français. Lassé par le désintérêt prolongé de l’État et de la Ville de Paris, le Musée national des arts et traditions populaires va s’installer à Marseille. Le déménagement, accompagné d’une modification de l’aire chronologique et géographique couverte par l’institution, devrait aboutir en 2007 avec l’ouverture du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée.

PARIS - Du XVIe arrondissement à la pointe du Vieux port de Marseille ! Entre terre et mer, le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée devrait offrir un contraste saisissant avec l’actuel Musée national des arts et traditions populaires (Mnatp) du bois de Boulogne, “grave comme un siège social de multinationale”, selon les termes de son directeur, Michel Colardelle. Après avoir rêvé un temps d’occuper l’aile ouest du palais de Tokyo (lire le JdA n° 58, 10 avril 1998), finalement promise au Centre de la jeune création, ce dernier a fait sienne la solution de la délocalisation, inédite pour un musée français – hormis le déplacement à Lille d’une partie des plans-reliefs de l’Hôtel des Invalides. Plus d’un million d’objets, témoignages de la société française traditionnelle et contemporaine, ainsi que des milliers de documents sur la culture populaire devraient donc quitter la capitale pour la cité phocéenne. Rééquilibrage des équipements culturels ou conquête de nouveaux publics, les raisons politiques d’une telle opération ne manquent pas. Les avantages matériels non plus : l’accueil réservé au projet par les collectivités territoriales est en effet inversement proportionnel au peu d’entrain du gouvernement à financer un nouveau chantier parisien. “Cette décision n’émane pas du ministère, mais de l’établissement lui-même”, tient à préciser Michel Colardelle, pour qui “le lieu du pouvoir central n’est peut-être pas le meilleur endroit pour la culture populaire”.

De la France à l’Europe
Catherine Trautmann a approuvé le rapport rendu par ce dernier, mais, pour être confirmé, le transfert devra attendre la réunion du comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire, au premier trimestre. Inscrit dans le cadre d’Euroméditerranée, l’établissement public en charge de l’aménagement des sept hectares de la Belle de Mai, le projet prévoit pour les expositions temporaires la réutilisation des bâtiments XIXe du fort Saint-Jean (2 800 m2), la construction d’une halle modulable et la création de réserves éloignées du front de mer. Mais le noyau du programme concerne l’édification d’un musée-laboratoire de 18 500 m2 pour les collections permanentes, les locaux administratifs et scientifiques du laboratoire de recherches, employant plus d’une centaine de personnes. Contemporain, le bâtiment devra donner une véritable identité au nouveau musée. Hors taxes, le rapport évalue les investissement nécessaires à 526 millions de francs, dont 55 % seraient déjà acquis auprès de la Région, du Département, de la Ville et de l’Europe. L’équipement urbain attenant (parkings...) sera pris en charge par les collectivités territoriales.

Doublant sa surface et bénéficiant d’un site touristique attractif, le Mnatp pourra opérer sa mue en Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. Après avoir élargi en 1996 son champ d’étude à l’Europe de l’An mil à l’année 2000, le musée de Marseille constituera alors un axe avec le Musée des cultures européennes de Berlin. “La compréhension du continent européen passe par une réflexion sur l’ensemble du monde méditerranéen. L’Islam fait partie de notre culture, c’est une religion du livre, monothéiste, issue des mêmes principes que les nôtres”, explique Michel Colardelle. La future institution pourrait alors récupérer les collections européennes du Musée de l’Homme, isolées après le départ des pièces non occidentales pour le Musée des arts et civilisations. La fusion devrait être facilitée par la cotutelle exercée par l’Éducation nationale sur le Mnatp, qui inclut un laboratoire du CNRS dans son fonctionnement.

Reconquérir le public
Le nouveau musée, qui devrait être inauguré en 2007, n’en est toutefois qu’au stade de l’esquisse, et de l’aveu même de son directeur, le consensus autour du projet n’est pas total. Un recentrage méditerranéen ne risque-t-il pas d’éloigner le musée de la partie nord du pays et de l’Europe ? “Aimer ; Dieu ; au Stade...”, les sujets pour aborder des questions communes à la sphère culturelle envisagée sont légion, mais seule une politique d’expositions temporaires dynamique permettrait de rendre compte d’une évolution sociale de plus en plus rapide, et de rencontrer un public élargi. À son ouverture en 1972, le Mnatp, conçu par Georges-Henri Rivière – fondateur de l’établissement en 1937 – et son équipe, était un fleuron de la muséographie moderne. Dépassé depuis longtemps par les expériences menées en province, le bâtiment construit par Jean Dubuisson se meurt, desservi par sa localisation excentrée dans la capitale et la dégradation de ses équipements. Le musée n’a accueilli que 50 000 visiteurs l’an passé ! Comme le souligne Michel Colardelle, qui attend 500 000 visiteurs dans le nouveau lieu, “un musée ne se juge pas en termes d’Audimat, mais il n’est pas acceptable d’avoir aussi peu de public.”

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°96 du 7 janvier 2000, avec le titre suivant : Marseille sera champion d’Europe des ATP

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