Les mousquetaires du marché

Le cabinet Marc Blondeau poursuit son développement

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 21 janvier 2000 - 833 mots

Créé en 1987 et d’abord spécialisé en tableaux, dessins, sculptures impressionnistes et modernes, le cabinet de conseil et d’expertise Marc Blondeau a depuis étendu son champ d’activité avec l’arrivée d’Étienne Bréton en 1994 (tableaux anciens), et d’Alexandre Pradère (mobilier français) en ce début d’année, qui ont le statut d’associés. Cette structure originale, visant à combler un maillon manquant entre ventes publiques et galeries, a depuis été imitée, notamment à New York et Genève.

PARIS - Marc Blondeau est-il insatiable ? Son cabinet, à l’origine spécialisé dans les œuvres impressionnistes et modernes, s’est adjoint en 1994 un département dessins et tableaux anciens dirigé par Étienne Bréton, débauché chez Sotheby’s après huit ans de bons et loyaux services. Philippe Ségalot les a rejoint en 1992 pour prendre en charge le département d’art contemporain, avant de les quitter en 1998 pour poursuivre son activité chez Christie’s. En ce début d’année, c’est au tour d’Alexandre Pradère, depuis 23 ans à la tête du département mobilier de Sotheby’s et fondateur de Sotheby’s France en 1976, aux côtés de Marc Blondeau, de rallier son ancien compère. Le cabinet poursuivra-t-il son développement en étendant par exemple son activité à l’Art déco, aux livres français ou à la photographie ? “Non, nous ne souhaitons pas devenir un mini Sotheby’s, se défend Marc Blondeau. Nous avions un manque dans le domaine du mobilier classique, un des points forts de la France, véritable grenier de la spécialité. Ce département est complémentaire de celui des tableaux anciens. On trouve le plus souvent dans les grandes familles françaises, aux côtés des meubles XVIIIe, des tableaux de maîtres anciens, rarement des impressionnistes”.

L’idée de départ du courtier était de combler un maillon manquant entre ventes publiques et galeries. “Je me suis aperçu, explique-t-il, qu’il manquait un service d’intermédiation entre le public et les marchands”. Les trois associés souhaitent avant tout offrir à leurs clients des prestations sur mesure, les conseiller dans leurs achats, les aider à gérer, à développer et à promouvoir leurs collections, mais aussi à vendre au meilleur prix les œuvres dont ils souhaitent se séparer.

La réorientation de la collection François Pinault
Marc Blondeau aurait ainsi joué un rôle essentiel dans la réorientation de la collection de François Pinault, dont les premiers achats s’étaient portés sur des tableaux de l’école de Pont-Aven, puis sur des toiles impressionnistes et abstraites françaises de l’après-guerre. Le tournant est intervenu en 1990, lorsque le patron de Pinault-Printemps-Redoute a acquis pour 8,1 millions de dollars (plus de 45 millions de francs) Losangique II, un Mondrian de 1925, qu’a rejoint en 1991 le Rhebus de Rauschenberg, emporté pour l’équivalent de 37 millions de francs. C’est aussi Blondeau qui a piloté, en 1993, l’installation d’un ensemble de sculptures monumentales de Richard Serra dans le parc du château de la Mormaire, propriété du milliardaire. “Sa collection d’œuvres américaines de l’après-guerre surclasserait aujourd’hui celle du Musée national d’art moderne, estime Marc Blondeau. Il a également conseillé Claude Berri, qu’il a aidé à réunir un des plus beaux ensembles existant d’œuvres de Robert Ryman.

Jusqu’en 1998, les deux tiers du chiffre d’affaires du cabinet – selon le courtier, qui a préféré resté elliptique, il se situe à la hauteur de celui des cinq plus grandes maison de ventes françaises – étaient réalisés grâce à des transactions portant sur des œuvres modernes et impressionnistes. En 1999, pour la première fois, le département tableaux et dessins anciens a réalisé un résultat équivalent à celui des œuvres XIXe et XXe. Les transactions portant sur des œuvres modernes semblent pâtir de la TVA à l’importation, et comme toutes les autres de l’épée de Damoclès que représente la menace récurrente de l’introduction des œuvres d’art dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune. Pour pallier au rétrécissement du marché français dans cette spécialité, un nouveau département pourrait être créé à une échelle internationale dans les mois à venir.

La clientèle des trois experts, essentiellement constituée de personnes privées, comprend aussi des musées. Un tableau du peintre britannique Richard Dadd (1819-1887) a ainsi rejoint le Louvre grâce à l’entremise d’Étienne Bréton. “L’aspect le plus intéressant de notre métier tient à la possibilité qui nous est offerte de travailler sur la durée, mois après mois, avec un nombre réduit de collectionneurs. Il n’est pas rare que j’accompagne un collectionneur dans un musée, souligne-t-il. Nous conseillons toujours à nos clients de ne pas céder à la facilité, en les incitant à comparer les pièces qu’ils souhaiteraient acquérir avec d’autres accrochées au Louvre ou à la Galerie des Offices par exemple”. Dans le domaine du mobilier et des objets d’art, Alexandre Pradère est avant tout consulté sur l’authenticité et la qualité des objets achetés. Ont-ils été restaurés et à quel degré ? Le travail a-t-il été correctement effectué ?

Le concept du cabinet, original en 1987, a entre-temps été imité. Des structures similaires ont vu le jour à Genève, à l’initiative de Daniella Luxembourg et Simon de Pury, et à New York avec les sociétés Mitchell-Innes & Nash ou Guggenheim, Asher Associates.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°97 du 21 janvier 2000, avec le titre suivant : Les mousquetaires du marché

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