Expressionnisme flamand

Van den Berghe, figure majeure de l’avant-garde européenne

Le Journal des Arts

Le 21 janvier 2000 - 616 mots

Disparu il y a soixante ans, Frits Van den Berghe apparaît plus que jamais comme la conscience moderne d’un expressionnisme flamand longtemps réduit au cliché d’un primitivisme. Replacées dans un contexte international, deux cents œuvres le consacrent comme une des figures majeures de l’avant-garde européenne.

OSTENDE (de notre correspondant) - Vouloir organiser la rétrospective d’un artiste comme Frits Van den Berghe, encore largement méconnu du grand public, en ouvrant l’accrochage aux comparaisons les plus diverses – de Magritte à Max Ernst en passant par Zadkine ou Permeke –, constituait un pari que l’exposition a magistralement relevé. Au parcours chronologique répondent des mises en perspective multiples, témoignant de l’inscription de l’œuvre dans un milieu qui ne s’est pas limité au seul Expressionnisme, largement représenté par Constant Permeke et Gustave de Smet. L’évolution de Frits Van den Berghe ne prend son sens qu’en sortant des seuls cercles picturaux pour rejoindre l’avant-garde politique. Dès les premières compositions, l’Impressionnisme et le Symbolisme se marient dans un discours toujours fin de siècle qui entend aller au-delà des apparences pour exprimer une réalité qui mobiliserait l’âme. C’est donc naturellement qu’au cours de la Première Guerre mondiale, Van den Berghe s’émancipe des conventions de représentation pour laisser exploser sa vision expressionniste dans des toiles gorgées de lumière. D’emblée, son originalité s’affirme aux côtés de Permeke et de De Smet. En intégrant le vocabulaire cubiste des avant-gardes, il rompt avec une certaine tradition post-symboliste qui, rejetant la modernité urbaine, avait érigé la campagne flamande en un temps d’harmonie étranger au cours de l’histoire. Au contraire, dès la fin de la guerre, Van den Berghe se lance avec frénésie dans l’exploration des conditions mêmes de la modernité associée à la métropole. L’évolution est alors exemplaire d’un désir d’intégration aux avant-gardes quelles qu’elles soient, pourvu que celles-ci témoignent des conditions de vie de l’homme. D’un progressisme bouillonnant, le peintre est de tous les combats. Attentif aux formes qui traduisent sa conscience du présent, il finit par incarner la figure d’un passeur entre Expressionnisme, Cubisme et Surréalisme, tout en s’intéressant au dessin de presse ou aux Ballets russes. Son implication dans les deux grandes galeries belges de l’entre-deux-guerres – Sélection et Le Centaure – et son travail pour des revues progressistes comme Vooruit marquent un même désir d’action.

Si les parallèles s’avèrent enrichissants, voire essentiels à la compréhension de l’œuvre, pourquoi les avoir brutalement interrompus au début des années trente ? Sans doute a-t-on jugé que le coup d’arrêt imposé aux galeries par la crise économique  s’était accompagné d’un isolement forcé. Van den Berghe a-t-il alors cessé d’être cet artiste dont les engagements et les alliances spirituelles conditionnaient l’évolution ? La crise a-t-elle signifié un changement aussi radical d’attitude ? L’œuvre semble indiquer le contraire. Les expérimentations plastiques réalisées dans le sillage des œuvres de Max Ernst, alors populaires en Belgique, permettent d’aller plus avant dans l’exploration de cette conscience moderne, jusque-là confinée au décor urbain.  Frottage, collage et écriture automatique libèrent l’imagination et concentrent l’attention de l’artiste sur le sujet qui n’a cessé de le hanter : l’homme. La fascinante série de portraits sur laquelle se conclut l’exposition situe Van den Berghe aux côtés d’un Klee. L’un et l’autre ont témoigné de la fragilité de la condition humaine face à une société privée de repères. Morts à moins d’un an d’intervalle, tous deux ont livré le même constat monstrueux et prémonitoire.

- FRITS VAN DEN BERGHE, jusqu’au 13 février, Musée provincial d’art moderne, 11 Romstraat, 8400 Ostende, tél. 32 59 50 81 18, tlj sauf lundi 10h-18h. Catalogue 240 p., 1 400 FB. Parallèlement à l’exposition, un catalogue raisonné, accompagné d’un essai signé par Piet Boyens et Gilles Marquenie, est publié chez Pandora, 3 800 FB.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°97 du 21 janvier 2000, avec le titre suivant : Expressionnisme flamand

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