La vidéo passe au cinéma

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 4 février 2000 - 740 mots

Alors que les artistes plasticiens sont de plus en plus attentifs au cinéma en tant que référent, au niveau de la production de sens ou de la logique de réalisation, les relations commencent à se croiser avec le monde du 7e art. Ainsi, le cinéma MK2 Gambetta, dans le 20e arrondissement de Paris, vient d’ouvrir le « MK2 projectcafé » qui propose une programmation de vidéos d’artistes.

Après le rachat, il y a deux ans, du cinéma Gambetta et sa rénovation, MK2 a fait l’acquisition, à côté, du café de la Mairie, dans une logique déjà déclinée de “lieu de vie”. Aujourd’hui, le “MK2 projectcafé” accueille une programmation d’œuvres d’artistes, aussi bien des vidéos que des documentaires, et un espace de vente d’objets de créateurs a été ouvert.

Pour Nathanaël Karmitz, qui a assuré la conception du lieu comprenant un espace-bar et un espace-salle de projection, il s’agissait, au départ, de définir la problématique de la salle complémentaire au cinéma. “Nous sommes intéressés par les artistes qui sont à la frontière entre le monde l’art et celui du cinéma, qui utilisent le cinéma comme questionnement, comme interrogation, ou qui développent un type d’œuvre se rapprochant du cinéma, comme Sadie Benning et Pierre Bismuth, explique-t-il en soulignant que la vidéo manque de lieux de diffusion. La programmation est assurée par la critique d’art et commissaire d’exposition Stéphanie Moisdon-Trembley, qui a cofondé le Bureau des vidéos (BDV). Elle a décidé de ne pas choisir obligatoirement des artistes très confirmés ; une sélection d’œuvres d’étudiants d’écoles d’art est d’ailleurs prévue. Dans un premier temps, elle va “présenter des travaux qui sont un peu plus linéaires, ou qui jouent sur le cinéma comme référent, ou qui analysent la construction du récit à travers le montage”.

Suivront des expériences plus radicales sur le temps, sur la perception, sur la question du spectateur. Pour elle, ce lieu doit être considéré comme une antichambre, c’est-à-dire qu’il faut toujours avoir à l’esprit que ce qui est montré ici pourrait également l’être dans les salles de cinéma. Par principe, ne sont d’ailleurs programmées que des vidéos sur un seul écran, en excluant les installations : “Je me pose beaucoup de questions sur le statut des installations, qui me paraissent souvent déterminées par des questions de marché, déclare Stéphanie Moisdon-Trembley. Cette monumentalisation de l’image, sa présentation, sa mise en espace ne sont pas toujours pertinentes. Beaucoup d’artistes pensent à une bande ou à un film, puis, parce qu’ils sont invités dans des contextes d’exposition, finissent par créer des environnements. Je pense que c’est un processus qui n’est pas forcément naturel ou pas nécessairement justifié par le projet. Ici, c’est un peu revenir à la source. En plus, le public n’est pas captif”. À Gambetta, il est constitué de gens du quartier ou d’habitués, mais n’est pas ciblé “art contemporain”.

Déjà, le café consacre 10 % de son chiffre d’affaires à cette programmation. À terme, c’est le groupe MK2 qui pourrait davantage investir dans la production et la distribution d’œuvres vidéo, en développant le travail dans la continuité du BDV sur l’édition et la diffusion. Des vidéos d’artistes devraient aussi être projetées dans des salles du réseau MK2. L’idée est d’intervenir sur toute la chaîne, de la production à la diffusion, comme MK2 le fait déjà pour le cinéma. L’une des prochaines étapes sera l’ouverture en 2001 du plus gros complexe du réseau, le MK2 Tolbiac, au pied de la Bibliothèque nationale de France, dans le 13e arrondissement. Cette cité de l’image et du son comportera quatorze salles, un café, des salles équipées en vidéo et des espaces d’exposition.

Pourtant, indique Nathanaël Karmitz, “notre vocation n’est pas de vendre de la peinture, ni de la photo, ni des installations, ni des sculptures. Nous restons concentrés sur la vidéo et nous n’irons pas sur le terrain des galeries pour commercialiser les mêmes œuvres et les mêmes artistes. Mais nous envisageons, par exemple, de vendre des cassettes VHS et même des DVD, un travail que les galeries aujourd’hui ne font pas, parce qu’il n’est pas intéressant pour elles de vendre des cassettes à 199 francs.” L’objectif de MK2 est surtout de proposer aux artistes un type d’échange similaire à celui qui existe dans le cinéma. L’enjeu, pour ces créateurs, est également d’aller à la rencontre de leur public naturel, celui de l’image animée.

- MK2 projectcafé, 4 rue Belgrand, 75020 Paris, tél. 01 43 49 01 99, tlj 12h-2h, dimanche et lundi 12h-24h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°98 du 4 février 2000, avec le titre suivant : La vidéo passe au cinéma

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