Michael Auping : Sculpture maison

Rencontre avec Michael Auping

Le Journal des Arts

Le 4 février 2000 - 703 mots

Parcours dans la sculpture des quarante dernières années, « Maison de la sculpture » met en avant le rôle prédominant de cet art dans la décennie passée, en réunissant des créateurs aussi divers que Anselm Kiefer, Kiki Smith ou Rachel Whiteread. Son commissaire, Michael Auping, choisi cette année pour organiser la Biennale du Whitney, répond à nos questions, alors que l’exposition, déjà montrée à Fort Worth, au Texas, a franchi la frontière mexicaine pour être présentée à Monterrey.

Pourquoi le titre “Maison de sculpture” ?
Il suggère l’intimité et l’abondance. Une maison, par opposition au musée, est un lieu de vie. Je pense que c’est le type d’espace que la sculpture habite aujourd’hui.

Pourquoi y a-t-il si peu d’expositions exclusivement consacrées à la sculpture ?
La sculpture est un art difficile, cher à transporter et compliqué à installer. Elle est aussi victime d’un préjugé historique qui subsiste auprès des conservateurs et des collectionneurs. Léonard de Vinci décrivait le peintre comme un intellectuel bien vêtu, travaillant dans une pièce propre, alors que le sculpteur, lui, est suant et couvert de poussière, martelant un morceau de pierre. Et Baudelaire d’insister : pour le poète, la sculpture devait être laissée aux “personnes primitives” – sans doute tout le monde, sauf les Français. Sans oublier la phrase d’Ad Reinhardt : “La sculpture c’est sur ce quoi vous butez lorsque vous reculez pour voir une peinture”.

Dans quelle perspective s’inscrit votre exposition ?
Plus que la peinture, la sculpture a été le lieu des développements les plus radicaux de l’art des vingt-cinq dernières année. Celle-ci a été particulièrement agressive dans la conquête de nouveaux territoires et a beaucoup appris de la peinture dans les années quarante et cinquante. Ainsi, Pollock a fait des peintures véritablement spatiales, et la sculpture a su parfaitement exploiter le principe d’expansion que suggéraient ses travaux.

Quelle a été votre définition de la sculpture pour cette exposition, et comment a-t-elle influencé votre sélection d’artistes ?
J’avais une définition mais, pendant la sélection, elle n’a cessé de s’effilocher. J’ai commencé avec l’idée que la sculpture était tout ce qui n’était pas de la peinture ou du dessin, mais c’était trop large. J’ai donc choisi des œuvres qui étaient de la sculpture au sens traditionnel, à savoir des objets qui existent dans l’espace. Cela inclut un buste en bois sculpté par Georg Baselitz, une plaquette de beurre géante de Robert Gober, ou une pièce de Richard Serra.

Quel est le point de départ de l’exposition ?
À Fort Worth, l’exposition s’ouvrait sur un Cubi de David Smith datant de 1965. Smith est le cordon ombilical entre l’Expressionnisme abstrait et le Minimalisme. Dans la série des Cubi, l’ordre et le chaos, la construction et la destruction trouvent un point de rencontre en équilibre. Ses formes géométriques conduisent au Minimalisme, qui a dissous l’armature figurative ou représentative, longtemps l’âme de la forme sculpturale. Après le Minimalisme, la sculpture se reconstruit.

Quels sont les défis du montage d’une telle exposition ?
Lorsque vous installez une exposition de peintures, vous devez sans cesse aller d’une œuvre à une autre et créer des transitions fluides. Avec la sculpture, il s’agit davantage de marcher et de s’arrêter continuellement. Vous devez presque vous mettre à la place de la sculpture et déterminer si l’espace est agréable. Si c’est le cas, la sculpture sera également à son aise. Quant aux transitions d’une salle à l’autre, elles sont très importantes.

Quel type de transition avez-vous privilégié ?
Je souhaitais que les œuvres aillent dans l’espace, que chaque sculpture ait une présence individuelle, afin de créer des dialogues inattendus entre elles. À Fort Worth, par exemple, à un certain endroit vous pouviez voir le Flavin, le Serra et la petite salle dans laquelle étaient présentées la Fenêtre de prison illuminée et la plaquette de beurre géante de Robert Gober. Une étrange parenté se dessinait alors entre la lumière du faux ciel de Gober et l’éclairage du Flavin. Quant à la tablette de beurre géante en cire, elle entretenait une relation surréaliste avec les épaisses feuilles de plomb de Serra.

- MAISON DE LA Sculpture/La Casa de la Escultura, jusqu’au 20 février, Museo de Arte Contemporaneo, Zuazua y Gardon, Monterrey (Mexique) tél. 52 11 528 342 4820, tlj sauf lundi 10h-19h, mercredi 10h-20h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°98 du 4 février 2000, avec le titre suivant : Michael Auping : Sculpture maison

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