Un labyrinthe

Cildo Meireles cherche à désorienter

Le Journal des Arts

Le 4 février 2000 - 511 mots

L’artiste et critique Pablo Helguera nous présente l’exposition « Cildo Meireles » au New Museum of Contemporary Art, à New York, dans laquelle les installations de l’artiste brésilien sont autant d’expériences sensorielles de désorientation.

NEW YORK - La rétrospective Cildo Meireles au New Museum of Contemporary Art, dans SoHo, est la plus complète jamais consacrée à un artiste sud-américain vivant par un musée new-yorkais. C’est également un hommage bien mérité, puisque l’influence de Meireles n’a cessé de s’imposer, en Amérique latine et aux États-Unis, depuis sa participation en 1970 à la grande exposition collective “Information”, au Museum of Modern Art de New York, alors qu’il n’avait que 22 ans. Les indiscutables qualités esthétiques de son travail permettent de comprendre pourquoi le Brésilien est l’un de ces rares artistes qui, grâce à une vision critique aiguisée et à un talent inné pour l’image poétique, ont su créer une œuvre fondamentale, non seulement du point de vue de la forme, mais aussi des thèmes abordés. L’exposition du New Museum montre que les œuvres qu’il a réalisées il y a vingt ans, voire davantage, sont toujours aussi saisissantes.

Les séries exposées sont faites pour désorienter le visiteur. Une fois traversée l’accueillante salle orange de l’installation Fontes, au début du parcours, il s’engage dans un labyrinthe chaotique de règles et d’horloges, aux murs parsemés de chiffres sans suite, qui se rétrécit jusqu’à finir en cul-de-sac. L’expérience sensorielle de désorientation atteint son paroxysme avec Volatile : il est invité à entrer pieds nus dans une salle éclairée à la bougie, dont le sol est recouvert de talc et où flotte une inquiétante odeur de gaz. Avec Entrevendo, il est prié de mettre dans sa bouche deux morceaux de glace, l’un salé, l’autre sucré, avant de pénétrer dans un tunnel en bois, sombre et profond, au bout duquel est installé un ventilateur soufflant de l’air chaud.

Apothéose spirituelle
Marcher dans un espace architectural défini a depuis longtemps permis de faire l’expérience du temps. Une église gothique, par exemple, se révèle peu à peu au visiteur, au fur et à mesure qu’il avance dans la nef, et lui offre une sorte d’apothéose spirituelle. Cette maîtrise de la “mesure temporelle” de l’espace se vérifie dans les installations de Cildo Meireles, où l’expérience temporelle de l’œuvre ne peut être dissociée de l’expérience sensorielle.

La rétrospective organisée par les commissaires Dan Cameron et Gerardo Mosquera donne une bouffée d’oxygène à l’art conceptuel, puisqu’elle démontre, une fois encore, que l’art inspiré par une pensée philosophique abstraite peut être empreint de passion et d’un grand attrait visuel. D’un point de vue historique, cette exposition créera un précédent pour une certaine forme d’art qui, tout en s’attachant aux valeurs sociales, n’hésite pas à user d’un langage faisant appel aux sens. Enfin et surtout, elle marque un pas important vers la reconnaissance du rôle joué sur la scène internationale par de nombreux artistes latino-américains d’après-guerre.

- CILDO MEIRELES, jusqu’au 5 mars, New Museum of Contemporary Art, 583 Broadway, New York, tél. 1 212 431 53 28, tlj sauf lundi et mardi 12h-20h, mercredi et dimanche 12h-18h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°98 du 4 février 2000, avec le titre suivant : Un labyrinthe

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