L’absolution

Un affairiste russe paie sa dette

Le Journal des Arts

Le 18 février 2000 - 589 mots

Certains nouveaux riches de Russie seraient-ils saisis par le démon de la générosité et le sens de l’intérêt général ? Peut-être las d’être considéré comme un prédateur, l’un de ces hommes d’affaires a entièrement financé la restauration des colonnes rostrales de Saint-Pétersbourg et participé à celle d’une partie de l’Ermitage.

SAINT-PÉTERSBOURG (de notre correspondant) - Vladimir Potanin, l’un des hommes d’affaires de Russie les plus fortunés, vient de financer deux grands projets de restauration à Saint-Pétersbourg. Les colonnes rostrales de la ville, reconstruites au cours des deux dernières années, ont été inaugurées lors d’une cérémonie présidée par le gouverneur, Vladimir Iakovlev. Situées sur l’étroite péninsule entre la Neva et le Musée de l’Ermitage, les colonnes hautes de trente-deux mètres sont flanquées à la base de quatre grandes statues symbolisant les principaux fleuves de Russie. Inspirées de l’antique, elles ont été érigées au début du XIXe siècle par Thomas de Thomon et servaient à l’origine de phares pour le port de Saint-Pétersbourg. Les travaux, d’un coût de 1,5 million de dollars (près de 10 millions de francs), ont été entièrement subventionnés par Interros, le groupe industriel et financier que contrôle Vladimir Potanin. Il s’agit de la donation la plus importante dans l’histoire de la Russie depuis 1917.

Par ailleurs, l’homme d’affaires a participé au financement de la restauration de huit salles du bâtiment de l’État-major, récemment acquis par l’Ermitage. Inaugurées le 7 décembre, elles abritent l’exposition permanente “Sous le signe de l’aigle”, qui présente près de 600 œuvres d’arts décoratifs russes et européens.

M. Potanin a assis sa fortune sur le contrôle de Norilsk Nickel, une compagnie minière du grand Nord qui fournit la plupart de l’approvisionnement mondial en nickel, cobalt et palladium. Le chiffre d’affaires annuel de la société s’élève à plus de deux milliards de dollars. Vladimir Potanin est devenu actionnaire principal de Norilsk Nickel au début de 1996, grâce au programme controversé de “prêts contre actions” par lequel certains hommes d’affaires russes influents ont reçu des actions d’entreprises publiques lucratives pour une somme dérisoire, en échange de leur soutien à Boris Eltsine lors des élections présidentielles. Bien que M. Potanin ne désire pas s’étendre sur le financement du projet de l’Ermitage, il estime avoir une dette envers son pays, un sentiment que les nouveaux riches de Russie se découvrent depuis peu. “J’ai décidé de faire ce don parce que notre culture fait partie des meilleures choses qu’offre la Russie et nous devons la préserver, affirme-t-il, surtout maintenant, à un moment où le gouvernement ne dispose pas des fonds nécessaires pour financer de tels projets. Ceux qui ont réussi se doivent d’apporter leur aide.”

L’ouverture des nouvelles salles de l’État-major, en face du Palais d’Hiver – l’édifice principal de l’Ermitage –, constitue la première étape d’un projet plus vaste qui, selon le directeur du musée, Mikhaïl Piotrovsky, nécessitera encore dix ans de travaux et 150 millions de dollars. La surface totale du bâtiment est de 38 000 m2. Il accueillera à terme la collection d’arts décoratifs de l’Ermitage : des meubles, des costumes, des tapisseries, des bijoux, des armes historiques, de la porcelaine, de la verrerie et quelques peintures.

Membre du conseil d’administration et mécène du Metropolitan Museum of Art, à New York, la collectionneuse Jayne Wrightsman a également contribué à la restauration des salles de l’État-major, ainsi qu’à celle du hall Pompéi du musée où sont exposées les antiquités romaines. Cette intervention a permis de le doter de vitrines sophistiquées et de nouveaux systèmes d’éclairage et de sécurité, des aménagements onéreux rarement vus dans les musées russes.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°99 du 18 février 2000, avec le titre suivant : L’absolution

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