Catherine Trautmann et le Sénat veulent réglementer l’Internet

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 3 mars 2000 - 613 mots

La ministre de la Culture Catherine Trautmann vient de proposer que la loi sur la nouvelle réglementation des ventes volontaires soit étendue aux ventes en ligne des biens culturels. Elle vient d’être suivie sur ce point par le Sénat qui a adopté le 23 février un amendement allant dans ce sens. Une avancée qui témoigne sans doute de la prise de conscience par les professionnels du marché de l’art de l’importance du réseau.

PARIS - Lors de la première lecture du projet de loi sur les ventes publiques, en juillet 1999 au Sénat, Catherine Trautmann s’était prononcée contre l’extension de la loi aux ventes aux enchères sur l’Internet. L’argumentation était double : au moment où l’on supprimait un monopole, il semblait inopportun d’en créer un autre ; en ce qui concerne les problèmes de sécurité des transactions, ils semblaient relever davantage des dispositions réglementaires générales sur le commerce électronique en cours d’élaboration.

À l’époque, le débat était apparu incidemment à la suite d’une proposition d’amendement du sénateur Goutheyron. Depuis, il s’est approfondi et le ministère a pu consulter les professionnels. En quelques mois, l’état d’esprit a changé ; l’idée de réaliser en ligne des transactions portant sur des biens culturels importants, encore jugée irréaliste l’été dernier, est désormais prise très au sérieux. Les grandes manœuvres en cours sur le marché, dont les derniers épisodes sont le rachat annoncé de l’étude Tajan par le groupe LVMH et les difficultés de l’équipe dirigeante de Sotheby’s, laissent penser que les mouvements de la “nouvelle économie” et les énormes disponibilités financières qu’elle draine peuvent déstabiliser les professionnels du marché, même les plus puissants, et par-delà, le commerce mondial des biens culturels. D’une certaine manière, la question n’était donc plus de choisir entre le monopole français et les multinationales de l’art, mais plutôt entre eBay, ses suiveurs du Nasdaq et les opérateurs habituels du marché.

Privilégier les professionnels
Dans ce contexte nouveau, on peut penser que Catherine Trautmann a choisi de privilégier les professionnels du marché de l’art pour animer ces mutations en étendant le contrôle de la loi aux ventes sur l’Internet, tout en le cantonnant aux biens culturels. Elle vient d’être suivie par le Sénat qui, le 23 février, lors de l’examen du projet de loi réformant les enchères publiques, a adopté un amendement prévoyant que “les ventes aux enchères publiques réalisées à distance par voie électronique sont soumises aux dispositions de la loi”.

La cohabitation des orus en peluche et de la brocante
La ministre pourra espérer deux effets de cette introduction :
- laisser toute liberté aux transactions courantes, où il n’y a pas d’inconvénient majeur à voir cohabiter les ours en peluche et la brocante, en maintenant un contrôle sur le marché plus sensible des biens culturels ;
- encourager les opérateurs classiques du marché de l’art à effectuer les lourds investissements des services en ligne, sans risquer le parasitage de nouveaux venus, peut-être moins respectueux ou conscients des exigences patrimoniales.

Un effet induit serait d’encourager les multinationales anglo-saxonnes à localiser leurs opérations en ligne en France, dans un contexte légal mieux balisé, ce qui donnerait au marché national un avantage concurrentiel.

Il n’est pas exclu que les prises de position des groupes Pinault et Arnault dans le secteur aient aussi joué en faveur de cette option. L’amendement gouvernemental renvoie à un décret la définition des biens culturels concernés. Il serait opportun de l’aligner sur les catégories européennes du règlement des exportations et de la directive de restitution, que la France a reprises pour l’application du certificat de libre circulation. Cela pourrait constituer également un avantage pour un marché qui déteste les complications. La France offrirait ainsi aux opérateurs un dispositif cohérent et d’application facile.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°100 du 3 mars 2000, avec le titre suivant : Catherine Trautmann et le Sénat veulent réglementer l’Internet

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