Art moderne

Dans la famille Giacometti

Par Ada Masoero · Le Journal des Arts

Le 3 mars 2000 - 567 mots

Montée à Milan par la Fondation Antonio Mazzotta et la Städtische Kunsthalle de Mannheim, « Les Giacometti. La vallée, le monde » réunit le père, les fils et le cousin dans une vaste saga familiale, « métaphore d’une vallée qui communique avec le monde ».

MILAN (de notre correspondante) - Qui dit Giacometti pense d’abord à Alberto. Pourtant, dans cette famille italienne du Val Bregaglia, cinq artistes sont nés en l’espace de deux générations : le père Giovanni (1868-1933), les fils Alberto (1901-1966), Diego (1902-1985), Bruno (1907), et le cousin Augusto (1877-1947). Pour Pietro Bellasi, co-commissaire de l’exposition avec Marc Obrist et Chasper Pult, cette histoire de famille “devient la métaphore d’une vallée qui communique avec le monde”. De cette étroite vallée de granit, entre Haute Lombardie et Engadine, les Giacometti sont partis vers Munich, Zurich ou Paris, gardant bien ancré dans leur mémoire le profil aigu des montagnes. “Pour eux tous, le centre du monde demeura toujours le Val Bregaglia, avec ses montagnes de granit, un matériel très dur et fragile à la fois, sculpté par l’érosion, tout comme les silhouettes d’Alberto, travaillées par soustraction et toujours appréhendées autour du problème du vide et de l’espace”.

Sont rassemblées à Milan plus de 160 œuvres des cinq artistes, dont beaucoup sont inédites ; certaines proviennent de leur vallée où elles sont demeurées oubliées pendant des décennies. Giovanni ouvre le parcours avec une grande toile retrouvée il y a quelques années dans le grenier d’un hôtel d’Engadine. Ce triptyque, représentant un panorama de montagnes, est exécuté selon les principes du divisionnisme poussés à l’extrême. Les œuvres d’Alberto sont naturellement les plus nombreuses, certaines célèbres, d’autres inédites ou presque. L’exposition met l’accent sur “le caractère cosmique” de son œuvre, sur sa confrontation permanente avec ce que Bellasi définit comme “le tourment de la matière, sur le fil entre la vie et la mort”.

Diego a été le modèle préféré d’Alberto, qui exigeait de lui une immobilité absolue, ainsi que son précieux collaborateur à Paris, où il préparait les armatures des sculptures de son frère (qu’il modelait parfois lui-même, notamment après son adhésion au Surréalisme). Homme réservé, expert en sculpture égyptienne et gréco-romaine, il fut un designer raffiné, auquel on doit notamment le mobilier du Musée Picasso, à Paris, et celui de la cafétéria de la Fondation Maeght, à Saint-Paul-de-Vence. Bruno, le seul frère encore en vie, est architecte. Il a conçu le Pavillon suisse à la Biennale de Venise et des installations dans sa vallée, avec un très grand respect du paysage, en utilisant les matériaux sur place, mais sans aucune complaisance pittoresque.

Un peu plus jeune que son cousin Giovanni, Augusto, dandy raffiné et auteur de pastels abstraits dès 1900-1901, est le moins connu des cinq Giacometti en Italie – mais pas dans les pays germanophones où une de ses peintures a récemment été adjugée plus de 3 millions de francs. Il a vécu en retrait de la famille et a fréquenté à Zurich le cercle dadaïste du “Cabaret Voltaire”. Quelques-unes de ses œuvres abstraites, parfois exécutées très tôt, sont exposées ici. À côté des Giacometti, figurent de rares compositions de Max Ernst, ami d’Alberto, qui, lorsqu’il arrivait à Maloja, peignait ou sculptait délicatement des formes ovoïdes inspirées par fleuve.

- LES GIACOMETTI, LA VALLÉE, LE MONDE, jusqu’au 14 mai, Fondation Mazzotta, Foro Buonaparte 50, Milan, tél. 39 02 87 81 97, tlj sauf lundi 10h-19h30, jeudi 10h-22h30.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°100 du 3 mars 2000, avec le titre suivant : Dans la famille Giacometti

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