Exportation : un certificat de 20 ans

L’initiative parlementaire donne plus de crédibilité à la nouvelle législation

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 17 mars 2000 - 607 mots

Le Parlement a adopté le 1er mars la proposition de loi du sénateur Serge Lagauche réformant la procédure du certificat de libre circulation, base du système français de contrôle des exportations de biens culturels. Proche des projets gouvernementaux dont le JdA avait rendu compte en 1999, le texte tente d’organiser la coopération de l’État et des collectionneurs pour maintenir en France les trésors nationaux. D’autres propositions de loi visant à dynamiser le marché sont en cours d’examen.

PARIS - La préparation de la réforme des ventes aux enchères a attiré l’attention des parlementaires sur le marché de l’art et la protection du patrimoine mobilier. Affûtés par les auditions et la préparation des nombreux rapports consacrés au sujet, ils ont un peu bousculé le calendrier et devancé les projets du gouvernement par leurs initiatives. Alors que l’on attendait un texte de l’administration pour réformer la loi du 31 décembre 1992 sur la circulation des biens culturels, c’est la proposition du sénateur Lagauche qui a abouti en premier. L’économie du texte, amendé par le Sénat puis l’Assemblée, est assez proche des projets détaillés l’an dernier dans le JdA :

- allongement de la validité du certificat, jusque-là fixée à 5 ans : illimitée pour les œuvres de plus de 100 ans d’âge, étendue à 20 ans pour les autres.
- dispense de certificat pour les œuvres importées depuis moins de 50 ans.
- institution d’une procédure de délivrance d’office du certificat, en cas d’absence de réponse de l’administration dans les délais fixés par la loi.
- fixation par expertise contradictoire de la valeur des œuvres dont le certificat aurait été refusé, et obligation pour l’État de faire une offre d’achat sur cette valeur ou de laisser sortir les biens.
Par rapport aux projets connus en 1999, le texte a mieux précisé la question des délais, limités à 30 mois (plus, au maximum, 12 mois en cas d’expertise en vue d’achat) à compter du premier refus de certificat ; il a prévu que, avant même l’expertise, l’État pouvait faire une offre, mais en tenant compte des prix pratiqués sur le marché international ; il a en outre établi la parité administration/personnalités qualifiées de la commission décidant les refus de certificat, organisé la publication des motifs de refus de certificat, et institué l’obligation d’information des éventuels acquéreurs sur les refus de certificat et de l’administration sur les mutations et déplacements des biens culturels auxquels le certificat a été refusé.

L’inspiration anglaise est évidente, en particulier dans la procédure d’expertise débouchant sur une offre d’achat et, en cas de refus de vente du propriétaire au prix d’expertise, le droit de renouveler le refus de certificat, ainsi que dans la publication des motifs de refus (prévue sans effet par la loi de 1992), qui devrait garantir une plus grande prévisibilité et la constitution d’une jurisprudence, à l’image des critères Waverly en Grande-Bretagne.

L’initiative parlementaire donne également plus de crédibilité au texte que s’il avait été préparé par une administration soucieuse de se ménager des portes dérobées. Par contre, la mise en place par fragments d’un nouveau dispositif pourrait poser des problèmes de cohérence. En particulier, les amendements du Sénat visant à consentir des avantages fiscaux aux propriétaires d’œuvres classées ont été rejetés, ce qui fait dépendre des seuls moyens de l’État le financement des acquisitions et résume la protection des trésors nationaux à leur appropriation par les musées.

Pour la partie financière du dispositif, le Parlement doit se prononcer sur les propositions du sénateur Yann Gaillard et du député Pierre Lellouche, sur fond de “cagnotte fiscale“. Par touches successives, peut-être parviendra-t-on à un dispositif à la mesure des ambitions publiques et privées françaises.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°101 du 17 mars 2000, avec le titre suivant : Exportation : un certificat de 20 ans

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