Les musées japonais pour le meilleur ou pour le pire ( part II)

Un lieu audacieux pour le contemporain

Le Journal des Arts

Le 17 mars 2000 - 605 mots

Malgré la croissance exponentielle des musées au Japon au cours des vingt dernières années, les institutions consacrées à l’art contemporain restent peu nombreuses. Structure privée, le Hara Museum of Contemporary Art poursuit depuis 1979 une politique audacieuse dans ce domaine. Son fondateur, Toshio Hara, revient sur ce parcours.

TOKYO (de notre correspondante) - “Lorsque j’ai commencé à acheter, il y a vingt-cinq ans, il n’y avait aucun musée d’art contemporain au Japon. À cette époque, je savais déjà que je constituais une collection pour un musée, contrairement à ce qui se fait ici, où l’on commence par réunir une collection pour, ensuite, construire un musée qui pourra l’accueillir”. Aristocrate japonais au charme discret, âgé d’une soixantaine d’années, Toshio Hara a créé son musée en 1979 grâce à la fortune familiale. Il est d’ailleurs installé dans la demeure de ses grands-parents, construite en 1938 par Jin Watanabe dans une rue calme du quartier résidentiel de Gotanda, à Tokyo. En 1988, s’y est ajouté  l’ARC, édifié au cœur vaste parc, à deux heures de Tokyo. Conçu dans un style postmoderne par Arata Isozaki, ce nouveau musée a permis la présentation d’œuvres de plus grand format et l’élargissement du programme des expositions. Récemment, Sophie Calle, avec “Exquisite pain”, a été accueillie dans ses murs, et avant elle, les expositions “Primal spirit”, organisée avec le Los Angeles County Museum of Art, “Photography and beyond in Japan, Yasumasa Morimura et Katsuo Tachi”, ou encore “ART is Fun 10”(jeunes sculpteurs japonais à l’Arc). Le musée propose actuellement, et jusqu’au 28 mai, “Untitled”, une sélection d’œuvres de sa collection permanente de Tàpies à Toeko Tatsuno et de Sol LeWitt à Leiko Ikemura.

“Nous attachons un soin particulier aux installations, explique Toshio Hara, et notre budget pour les achats s’en trouve limité ; alors, nous collectionnons des œuvres de jeunes artistes que nous avons éventuellement aidées à réaliser”. Sa collection, qui réunit plus de 700 œuvres, offre pourtant un large panorama de la création moderne et contemporaine, américaine, européenne et asiatique. Y figurent des pièces de César, Yves Klein, Rothko, Tinguely, Pollock, Jim Dine, Christian Boltanski, Kenneth Noland, Mapplethorpe et bien d’autres. Deux salles sont consacrées au photographe Nobuyoshi Araki, une autre a bénéficié d’une commande passée à Jean-Pierre Raynaud, tandis que Time link (1989), de Tatsuo Miyajima, occupe une zone semi-circulaire sans fenêtres dont les murs sont couverts de chiffres clignotants et changeants. Le jardin du musée est, lui, ponctué de sculptures, parmi lesquelles Incomplete cube de Sol LeWitt et Pylon d’Isamu Noguchi.

Le musée d’un homme
“J’aurais dû commencer cette collection plus tôt, regrette Toshio Hara, quand le prix des œuvres n’était pas aussi élevé”. Mais, dès le départ, il ne souhaitait pas se cantonner au Japon. Un voyage aux États-Unis, à la fin des années soixante-dix, fait naître sa passion pour l’art américain de l’après-guerre, et le travail de Rothko, Warhol et Johns. “Avant cela, comme tous les Japonais, j’étais allé au Louvre !”, lance-t-il.

Sans soutien de l’État, le musée s’appuie sur la fortune personnelle de son fondateur, le mécénat d’entreprise et ses abonnés. Il propose également un programme de conférences, des visites d’ateliers et d’autres activités pédagogiques – des pratiques encore balbutiantes au Japon. Son avenir reste toutefois étroitement lié celui de Toshio Hara, dont aucun des quatre enfants ne semble décidé à reprendre l’affaire. “C’est moi qui ai créé ce musée et mes motivations sont très intimes. Je ne sais pas qui me succédera, mais je ne demanderai pas à cette personne de faire comme moi”, conclut-il.

- Hara Museum of Contemporary Art, 4-7-25 Kitashinagawa, Tokyo 140, tél. 81 3 3445 0651, fax 81 3 3473 0104, www.haramuseum.or.jp

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°101 du 17 mars 2000, avec le titre suivant : Les musées japonais pour le meilleur ou pour le pire ( part II)

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