Au capcMosquée, Sarkis fait école

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 17 mars 2000 - 440 mots

Après avoir installé ses œuvres avec beaucoup de maîtrise au musée de Bordeaux, Sarkis se fait enseignant dans sa propre exposition, écoutant et professant avec générosité, dans une tradition qui se fonde aussi bien dans la culture musulmane que dans la démarche d’artistes comme Joseph Beuys.

BORDEAUX - La grande nef du capcMusée d’art contemporain de Bordeaux, avec ses hautes arcades et sa lumière tamisée, a toujours eu tendance à offrir une atmosphère quelque peu sacrée aux expositions qui s’y tenaient. Sarkis en a pleinement tenu compte, à tel point qu’avec son  installation de dix-sept scènes recouvertes de tapis, l’Entrepôt prend aujourd’hui des faux airs de mosquée, impression renforcée par le fond sonore permanent issu de lieux mythiques, comme le Taj Mahal ou la Basilique Sainte-Sophie d’Istanbul. L’artiste a installé sur ces scènes vingt et un moniteurs accueillant autant de courts métrages réalisés en 1997-1998, au moment où il était en résidence à l’atelier Calder, à Saché. Ces petites vidéos centrées sur le processus même de création – gros plan sur une main exécutant une aquarelle, jeux sur les couleurs, rapports entre l’œuvre et son modèle – viennent renforcer l’atmosphère générale de réflexion.

Sarkis, né à Istanbul en 1938 dans une famille d’origine arménienne, et installé en France depuis 1964, se situe à la croisée de l’Orient et de l’Occident, à la fois au niveau de la culture, de la pensée et du sacré. Ainsi, dans la tradition de l’enseignement oriental, il a décidé d’accueillir, durant toute la durée de l’exposition, trente-trois étudiants en école d’art avec lesquels il s’entretient individuellement les mercredis, jeudis et vendredis de 9h30 à 13h. Il intervient ensuite à l’intérieur même de son exposition à partir de 15h30, s’installant au choix sur l’une des scènes recouvertes de tapis. S’ouvre alors une discussion publique sur les œuvres bordelaises, ainsi que sur d’autres choisies parmi celles présentées dans les quatre cents expositions auxquelles le créateur a précédemment participé.

Dans les allées, Sarkis a accroché des néons qui évoquent les différents ateliers utilisés au cours de sa carrière. Plus loin, il a installé sept moulages de statues gothiques accompagnées d’œuvres d’arts premiers, le tout agrémenté d’ailes d’anges. Dans les galeries du rez-de-chaussée et sur la mezzanine, sont présentées d’autres pièces où sont tour à tour convoqués objets sacrés, photographies, peintures, espaces dans l’espace, qui allient flux énergétiques et charges symboliques, voire émotives. Aussi, cette exposition-événement montre indéniablement un artiste en pleine possession de ses moyens.

- SARKIS, jusqu’au 9 avril, capcMusée d’art contemporain, L’Entrepôt, 7 rue Ferrère, 33000 Bordeaux, tél. 05 56 00 81 50, tlj sauf lundi 11h-18h, mercredi 11h-20h. Catalogue, 190 p., 200 F, ISBN 2-87721-177-0.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°101 du 17 mars 2000, avec le titre suivant : Au capcMosquée, Sarkis fait école

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