Des musées en mutation

La collection Baur se restructure, le Petit Palais se dynamise

Le Journal des Arts

Le 17 mars 2000 - 832 mots

Le musée créé par Alfred Baur a fait l’objet d’importantes restructurations afin de mettre en valeur ses collections d’art d’Extrême Orient, tandis qu’une nouvelle politique d’exposition a redynamisé le Petit Palais, fondé par Oscar Ghez pour abriter ses tableaux impressionnistes et postimpressionnistes.

Doté d’une tour d’angle, de fenêtres hautes assurant une bonne clarté, d’une salle en retrait propice à la méditation, ou simplement au repos, agrémentée du son ruisselant d’une petite fontaine, l’hôtel particulier acquis par Alfred Baur est le lieu idéal pour abriter des collections d’art d’Extrême-Orient. Vieux d’un siècle et promu au rang de musée en 1964, ce bâtiment de teinte crème a été restauré et agrandi pour un coût de 5 millions de francs suisses, entièrement assumé par la Fondation Baur. Musée privé consacré aux arts de la Chine et du Japon (et, par extension, aux objets coréens ou vietnamiens), équivalent du Musée Rietberg à Zurich, il a réussi à créer une atmosphère où les visiteurs, dégagés pour un moment des poids de l’extérieur, peuvent s’imprégner du raffinement et de la pureté formelle des pièces exposées sous vitrine. Alfred Baur, décédé en 1951, tenait à ce qu’on n’ajoute ni ne retire rien à sa collection, de manière à en préserver la cohérence. Pour éviter la sclérose inhérente à cet immobilisme, le conseil de la Fondation a récemment trouvé une parade qui ne contrevient pas (ou pas vraiment) aux vœux du marchand et amateur d’art. Le musée accepte désormais les œuvres orientales offertes ou léguées : ainsi est entré à l’hôtel de la rue Romilly l’ensemble de laques réuni par un couple chinois de Genève, et des pièces de mobilier, un paravent japonais, un cheval de terre cuite Tang, des sièges et des tapis, permettent de contrebalancer le petit format des œuvres que recherchait Alfred Baur, netsuke, tsuba, brûle-parfum, flacons ou tabatières. De plus, la politique des expositions temporaires à partir de prêts ou d’échanges s’est intensifiée.

Tout ceci nécessite un espace – cet espace paisible qui fait le caractère du lieu. Il a été trouvé dans les sous-sols, prolongés sous le jardinet à l’aide d’excavatrices. Quatre nouvelles salles somptueuses, pavées de marbre, accueillent les expositions venues de l’extérieur, ainsi qu’une partie des six cents estampes qui animent les Collections Baur de leurs papillons, acteurs ou femmes. On a récemment pu admirer les œuvres contemporaines du peintre chinois Zhu Qizhan, lors d’une exposition monographique conçue par le British Museum.

Des perfectionnements muséographiques, une salle de séminaire destinée à l’enseignement de la Faculté des Lettres sur l’art d’Extrême-Orient, confié au conservateur des Collections Baur, Frank Dunand, une bibliothèque spécialisée enrichie de centaines d’ouvrages sur la calligraphie chinoise font partie des aménagements auxquels il a été procédé de juin 1995 à décembre 1997. Avant cette date, vous étiez accueilli à la porte du musée par un gardien au visage rouge et débonnaire – désormais à la retraite –, dont l’aspect de chat silencieux, bondissant pour vous surprendre au détour d’une vitrine, ajoutait au charme ambiant…

Le renouveau du Petit Palais
Le Petit Palais, musée privé genevois, est l’œuvre d’Oscar Ghez, disparu en 1998. Fils d’un industriel tunisien et d’une aristocrate florentine, cet ingénieur du caoutchouc a collectionné sa vie durant des peintures impressionnistes, postimpressionnistes et de l’École de Paris. Si le Petit Palais, créé en 1968, a pu souffrir de l’encombrement des salles, par ailleurs vieillottes, ainsi que du caractère inégal de la collection, il y souffle depuis quelques années un vent nouveau. Ce printemps, le Petit Palais baigne dans la lumière “transfigurée” des néo-impressionnistes. Ce titre a valeur de programme. Depuis la mort de son père, Claude Ghez, professeur en neurologie et neurophysiologie, a repris les rênes du Petit Palais, ou plutôt semble les avoir laissées à son directeur artistique, Ofir Scheps. Entreprenant et conciliant, celui-ci se garde de heurter les susceptibilités et parvient à réformer en douceur les habitudes. Les expositions temporaires, plus nombreuses, moins directement liées à la période allant de 1880 à 1930, y ont gagné en rigueur.

À l’indéniable générosité et à la sincérité d’Oscar Ghez répond donc une passion semblable. Une exposition consacrée à l’Expressionnisme allemand, organisée grâce à un échange avec la Kunsthalle de Mannheim, a inauguré une série de manifestations un peu différentes. Une plongée dans l’univers onirique de Paul Delvaux, reconstitué à la façon d’un décor de cinéma, a confirmé cette tendance à s’adresser non plus seulement au public des touristes, mais aux amateurs curieux. La présentation du courant néo-impressionniste, conçue par Noël Coret, conservateur du Musée de Lagny-sur-Marne, échappe à l’alignement de tableaux pointillistes. Il est significatif que cette manifestation soit assortie d’un atelier destiné à amener les enfants à “jouer avec la lumière”. Décidément, un vent nouveau, chargé de particules lumineuses, souffle bien sur le Petit Palais !

- Collections Baur, 8 rue Munier-Romilly, Genève, tél. 41 22 346 17 29, tlj sauf lundi 14h-18h.
- "Néo-impressionnistes. La lumière transfigurée", jusqu’au 14 mai, Petit Palais, Musée d’art moderne, 2 terrasse Saint-Victor, Genève, tél. 41 22 346 14 33, lundi-vendredi 10h-18h, samedi-dimanche 10h-17h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°101 du 17 mars 2000, avec le titre suivant : Des musées en mutation

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