De Oudry à de Gaulle

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 31 mars 2000 - 666 mots

Dans une vente organisée par l’étude Piasa le 7 avril, Christian Galantaris présentera un ensemble de livres illustrés du XVIe au XXe siècle issu d’une collection française et comprenant la première édition de L’Apocalypse de Dürer. Des lettres et manuscrits autographes, dont certains de Charles de Gaulle et de Philippe Pétain, seront dispersés le 14 avril par Me Buffetaud, assisté de Thierry Bodin.

PARIS - “Il s’agit de l’une des plus formidables réunions de livres illustrés et de livres à figures jamais constituées au XXe siècle, insiste l’expert Christian Galantaris, un florilège idéal du livre à gravures des XVIIe et XVIIIe siècles.” En vedette parmi les volumes les plus anciens, figure la première édition de L’Apocalypse de Dürer, composée de 16 gravures dont 11 portent le monogramme de l’artiste. Cet ouvrage provient de la bibliothèque de l’historien de l’art Rolf Leopold von Retberg – son cachet montre un petit oiseau aux ailes déployées. Tout aussi admirable, une première édition de La Grande Passion de Dürer comprend douze figures dessinées et gravées sur bois, dont deux sont datées de 1510 (200 000 francs). On remarquera une suite complète des Prisons de Piranèse, avec 16 eaux-fortes originales à double page (300 000 francs). L’artiste a retravaillé les planches, ajouté des détails, renforcé les noirs et accusé les contrastes. “L’édition semble avoir été faite vers 1800 à Paris, où les fils de Piranèse, détenteurs des cuivres, s’étaient fixés après la mort de leur père”, indique l’expert. Plus tardif, un recueil de 300 estampes gravées à l’eau-forte, à l’aquatinte et à la manière du lavis par Richard Earlom, d’après des dessins originaux de Claude Gellée conservés au château de Chatsworth (60 000 francs). “Gravées avec beaucoup de soin et tirées en bistre, ces planches sont précieuses non seulement pour leurs qualités artistiques, mais aussi parce qu’elles conservent le souvenir de nombreuses œuvres dont on a perdu la trace”.

Fables de La Fontaine
Plusieurs ouvrages de La Fontaine seront proposés, dont une édition de ses Fables présentant un frontispice exécuté par Oudry, terminé par Dupuis et gravé par Cochin, et 275 figures hors texte du peintre gravées en taille douce (60 000 francs).
Dans une vente dirigée par Me Buffetaud, Thierry Bodin présentera un ensemble de lettres et manuscrits autographes, qui comprend un tapuscrit d’un important discours prononcé par Charles de Gaulle devant l’assemblée consultative en mai 1945, quelques jours après l’armistice (30 000 francs). Le général a apporté au texte de nombreuses corrections et ajouté de sa main une nouvelle conclusion : la Nation doit devenir “assez forte, fraternelle et nombreuse pour assurer son destin dans un monde en pleine gestation et, par-là même, lui permettre de jouer pour le bien de l’humanité un rôle dont il est trop clair que l’univers ne se passerait pas. En un mot, le terme de la guerre n’est pas un aboutissement. Pour la quatrième République, elle n’est qu’un point de départ. En avant donc pour l’immense devoir de travail, d’unité et de rénovation. Que notre nouvelle victoire marque donc notre nouvel essor.” Y figurera aussi un manuscrit autographe de Philippe Pétain signé, daté de 1945, dont le double fut livré à la commission d’instruction près la Haute Cour de justice le 8 juin 1945 (50 000 francs). Il concerne les négociations secrètes avec la Grande-Bretagne, confiées par le Maréchal au professeur Louis Rougier ; elles ont abouti à un accord avec Winston Churchill qui a dicté en partie le comportement de la France entre 1940 et 1942, date du retour aux affaires de Pierre Laval. Philippe Pétain a donné cette lettre autographe à son chef de cabinet civil, Louis Dominique Girard. “Il est exact que j’ai fait négocier un traité, devant demeurer secret, avec Winston Churchill. Ce traité dont la négociation a commencé le même jour que Montoire – ce rapprochement donne à Montoire son véritable caractère – a inspiré ma politique, même lorsque les Anglais semblaient s’en écarter.” Des manuscrits de Louis Aragon, d’Antonin Artaud et de Jorge Luis Borges seront également dispersés.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°102 du 31 mars 2000, avec le titre suivant : De Oudry à de Gaulle

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque