Johnny Van Haeften : Un marchand « un peu préhistorique »

Pour Johnny Van Haeften, la galerie est au cœur des affaires

Le Journal des Arts

Le 31 mars 2000 - 867 mots

Johnny Van Haeften est un des membres fondateurs de la Tefaf (The European Fine Art Fair) qui s’est tenue à Maastricht du 18 au 26 mars. Dans un entretien accordé à notre partenaire éditorial, The Art Newspaper, ce grand spécialiste des maîtres anciens hollandais et flamands fait le bilan de son activité et évoque les perspectives du marché.

Comment se traduit pour vous la reprise du marché ?
Cette année a été pour nous la meilleure en vingt-deux ans d’activité. Notre chiffre d’affaires est en hausse et le volume des ventes a augmenté de 20 %. Mais nos marges sont réduites à la fois parce que nous faisons moins de profit et du fait de la pression du fisc et des douanes. En outre, les effets de la TVA de 5 % sur les importations se font déjà sentir. La différence entre nos prix d’achat et de vente est demeurée sensiblement stable à 20-25 % au cours des dernières années. Nous devons simplement travailler plus pour maintenir cette marge.
Pour chaque peinture qui va à Maastricht, il faut remplir une déclaration garantissant le paiement de la TVA au taux hollandais de 6 % au lieu des 5 % au taux britannique. Alors les marchands remportent leurs tableaux et réalisent les transactions ici. L’Union européenne se trompe : si, en tant que marchand, j’exporte une œuvre d’art aux États-Unis ou en Suisse, la vente n’est pas assujettie à la TVA. C’est pourquoi les auctioneers envoient de plus en plus d’œuvres en Amérique, et tout ce qui est mis en vente hors de l’Union européenne part aux États-Unis.

Vous avez tout de même réalisé une très bonne année.
C’est parce que je n’ai pas compté mes heures et énormément voyagé pour trouver de nouveaux clients, dont une bonne partie se trouve en Amérique. Beaucoup de clients américains arrivent sur le marché avec 5 à 10 millions de dollars pour constituer une petite collection de maîtres anciens. Ils peuvent le faire dans ce domaine, ce qui serait impossible avec des œuvres impressionnistes. La demande augmente, nous avons un carnet d’adresses de 3 500 personnes, dont un peu moins de la moitié sont des acheteurs actifs. Mais les tableaux sont de plus en plus rares…

Comment trouvez-vous de nouveaux clients ?
Je suis un peu “préhistorique”. Je ne fais pas de publicité sur l’Internet, je n’ai pas non plus de site. Nous n’avons pas rejoint sothebys.com, et je pense que Christie’s a pris la bonne décision concernant sa politique Internet. Tout cela est à la mode, mais l’acheteur d’art reste très traditionaliste. Certains objets, comme les timbres et les monnaies, peuvent être vendus sur l’Internet ; pour les maîtres anciens, les clients ont besoin de voir l’œuvre. J’imagine que l’Internet est utile pour faire une recherche sur des peintures de Pieter Claesz, par exemple, et savoir dans quelles galeries les trouver, mais je suis convaincu que le bouche à oreille est la meilleure publicité. Nous avons de la chance, car notre galerie est la seule à Londres qui soit spécialisée dans les maîtres hollandais.
Les foires sont un autre bon moyen de se faire connaître. Je passe probablement un jour sur dix à l’étranger, mais les seules foires auxquelles je participe sont celles de Maastricht et de Grosvenor House. Maastricht reçoit près de 70 000 visiteurs et j’y vends environ trente tableaux, soit plus ou moins le quart de mon chiffre d’affaires. À Grosvenor House, en règle générale, nous ne vendons qu’une ou deux grandes peintures, mais nous y établissons de bons contacts. Je ne vois pas l’intérêt d’exposer dans les foires américaines, car tous mes clients préfèrent acheter à Londres. La galerie est au cœur de mes affaires. Et vous ne savez jamais qui va entrer : la semaine dernière, un client nous a acheté un tableau un million de livres sterling. J’ignorais qu’il était à Londres ; il s’est arrêté sur le chemin de l’aéroport et son achat était tout à fait spontané.

La croissance du marché des maîtres anciens va-t-elle se poursuivre ?
Je pense que les prix continueront de grimper. Ils ont augmenté de 15 à 20 % en 1999 et de 30 % en l’espace de cinq ans. Il y a beaucoup plus d’argent disponible aujourd’hui ; la plupart des économies se portent bien, les taux d‘intérêt sont relativement bas. Nous n’avions pas prévu ce mini-boom, mais la plupart d’entre nous avions senti que le marché se renforcerait. Ces phénomènes sont cycliques : nous étions en plein marasme, et puis l’embellie est venue.

Les prix en galeries sont-ils intéressants en ce moment ?
Oui, je pense que de bonnes affaires peuvent être réalisées dans les galeries. Ainsi, nous avons vendu un tableau de Frans Francken 35 000 livres sterling, alors que nous avons payé 45 000 livres sterling une peinture similaire chez Sotheby’s.

Qui sont actuellement vos meilleurs acheteurs ?
Les Américains sont attirés par les œuvres majeures ; sinon, notre clientèle se partage équitablement entre Européens et Américains. Ce changement remonte à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix, lorsque les Américains représentaient 60 % du marché. Nous vendons très peu aux collectionneurs britannique. Actuellement, les Anglais s’intéressent davantage au XIXe siècle et à l’art moderne.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°102 du 31 mars 2000, avec le titre suivant : Johnny Van Haeften : Un marchand « un peu préhistorique »

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