Quand les oeuvres se rejoignent

Prêts et dépôts pour redécouvrir les musées

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 31 mars 2000 - 713 mots

Placée sous le signe de l’Europe, la deuxième édition du « Printemps des Musées » inaugure une série d’échanges d’œuvres entre musées européens. Pour Jean Aubert, coordinateur de ces prêts, ils sont l’occasion pour le public de proximité de redécouvrir les collections. Chargé, à la Direction des Musées de France, de la mise en œuvre de la politique des dépôts en province, il admet que les envois se sont ralentis dans la première moitié du siècle.

Pourquoi avoir choisi l’Europe comme thème du “Printemps des Musées” ?
Catherine Trautmann a proposé le projet à ses partenaires européens pour que l’opération devienne internationale. Des jumelages entre musées français et européens ont ainsi permis de rapprocher des tableaux de même auteur, comme à Rouen qui, à côté de ses deux Véronèse, accrochera le Christ au jardin des Oliviers conservé à la Brera de Milan. Quant au musée de Chambéry, à côté de l’esquisse du Martyre de sainte Ursule de Pasinelli, il présentera la version finale du tableau, grâce à la Pinacothèque de Bologne. En échange, le musée français prête deux Portraits d’homme de Bartolomeo Passerotti pour une exposition sur le portrait à Bologne organisée par le musée italien. Rapprochement par peintres, comme à Tours autour d’Agar et l’Ange de Pierre Peyron, ou thématiques, à l’exemple du Balcon de Manet par Magritte prêté par Gand au Musée d’Orsay, qui conserve la toile de Manet, ces échanges, outre leur intérêt scientifique, offrent au public de proximité l’occasion de redécouvrir les collections permanentes.
Au-delà de ces événements, existe-t-il entre les musées européens un organe de coopération ?
Il n’y a pas de réelle structure fédérative entre eux, mais les rencontres entre leurs conservateurs sont fréquentes. Certains pays, comme l’Italie, se sont montrés plus coopératifs que d’autres. Les procédures de sortie sont assez contraignantes, et les autres attendent peut-être de voir si cela fonctionne. Mais l’intérêt n’est réel que si ces échanges ont un impact auprès du public.

Les prêts d’un an consentis par les établissements nationaux aux musées de province, comme les Bergers d’Arcadie de Poussin à Lyon, participent-ils du même dessein ?
Effectivement, ce prêt s’inscrit dans la politique amorcée l’an dernier par le ministère de la Culture. Le Port de mer au soleil couchant de Claude Lorrain, conservé lui aussi au Louvre, va ainsi être présenté à Nancy, et Orsay va prêter à Quimper la Fenaison en Bretagne de Gauguin. Mais le dépôt peut aussi se faire à long terme, sur cinq ans et de façon renouvelable.
Selon quelles modalités se font les dépôts ?
L’important est d’assurer un contrôle sur la conservation et la présentation des œuvres. Mais les conditions des legs, la cohérence des collections limitent aussi énormément ces actions. Il ne suffit pas de regarder le catalogue du Louvre pour envoyer des œuvres en province, mais une meilleure répartition est tout à fait justifiée. Des souhaits émergent aujourd’hui, et il faut étudier le programme du musée. Que Valenciennes se porte candidat pour des œuvres du XVIIIe siècle est tout à fait logique. Ces décisions ne sont pas qu’administratives, elles font aussi appel à l’histoire de l’art.

Comment a évolué la politique des dépôts ?
Le système français est particulier ; presque tous les musées nationaux sont en Île-de-France. Cela explique le problème d’inégalité entre les régions et Paris, même s’il ne faut pas considérer que tous les chefs-d’œuvre sont dans la capitale. Bientôt bicentenaire, le décret Chaptal, acte fondateur des dépôts et de l’organisation des musées en France, a mis en place, en 1801, quinze grands musées bénéficiant des envois du Muséum central. Ainsi, le Musée des beaux-arts de Tours a reçu en 1803 deux Mantegna provenant de l’église Saint-Zénon, à Vérone, et ils sont toujours dans ses salles. Dans la première moitié du XIXe siècle, les grands envois ont été nombreux, avant de ralentir dans la première moitié du XXe siècle. Mais sur 17 000 tableaux consignés dans les inventaires du Louvre, 11 000 sont à l’extérieur. Depuis un an, un Boucher a été placé à Rouen, un Manet à Lille, un Fragonard à Orléans et deux Hubert Robert à Lyon.

- LE PRINTEMPS DES MUSÉES, dimanche 2 avril, entrée gratuite dans près de 800 musées nationaux et territoriaux. Programme complet sur Minitel (3615 Culture), sur l’Internet (www.culture.fr), ou numéro vert 0800 578 718.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°102 du 31 mars 2000, avec le titre suivant : Quand les oeuvres se rejoignent

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