La Royal Academy prise en défaut

Un tableau pillé figure dans l’exposition \"1900\"

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 31 mars 2000 - 618 mots

Malgré la vigilance annoncée, un tableau pillé provenant de la Neue Pinakothek de Munich a été découvert dans l’exposition « 1900 », à Londres. Après sa restitution aux descendants des propriétaires, la Royal Academy « s’apprête à revoir ses procédures de vérification des prêts.»

LONDRES (de notre correspondant) - À la suite de la découverte d’un tableau pillé dans l’exposition “1900 : Art at the crossroads”, la Royal Academy of Arts devra certainement faire preuve de plus de vigilance lorsqu’elle emprunte des œuvres. Le 13 mars, au cours d’une cérémonie à Burlington House, la Neue Pinakothek de Munich a renoncé en faveur de la famille Glanville à la propriété du triptyque de Leopold von Kalckreuth, les Trois âges de la vie (1898). Alors que la Royal Academy (RA) et son partenaire, le Musée Guggenheim, avaient effectué des vérifications sur des œuvres éventuellement issues de pillages, il est étonnant que la provenance de celle-ci n’ait pas davantage éveillé leurs soupçons. D’après les informations transmises à la RA, la Neue Pinakothek avait acheté la toile en 1942 à un collectionneur privé viennois, et jusqu’en 1938, l’année de l’Anschluss, elle avait appartenu à un autre collectionneur viennois.

Lorsque le 4 octobre, le musée munichois a accepté de prêter le triptyque à la RA, les Glanville n’avaient pas déposé de nouvelle réclamation ; celle-ci n’est venue que le 8 décembre. La RA ignorait la situation lorsqu’elle a reçu le Kalckreuth, le 16 janvier, et elle n’a été informée de l’existence de la plainte qu’en février. Selon un porte-parole, malgré sa satisfaction devant la rapidité de restitution du tableau, la RA “s’apprête à revoir ses procédures de vérification des prêts.”

Elisabeth von Gotthilf (devenue Glanville) avait reçu de ses parents les Trois âges de la vie en cadeau de mariage, en 1924. Le tableau fut saisi en mars 1938, lorsque la famille a fui Vienne pour l’Angleterre. En 1948, Madame Glanville avait déposé une réclamation pour ce tableau auprès des autorités autrichiennes, mais ce n’est qu’en 1971 qu’elle a découvert que son triptyque se trouvait à Munich, à la Neue Pinakothek, où il n’était pas exposé et ne figurait dans aucun catalogue. La Cour de Berlin a rejeté sa plainte en 1973, sous prétexte que la date limite des restitutions était passée. Madame Glanville est décédée en 1983. En juillet 1999, ses deux enfants, Ernest et Marietta, ont demandé l’assistance de la Commission pour les œuvres pillées en Europe. Les Bayerische Staatsgemäldesammlungen (collections nationales de peintures de Bavière) auraient légalement pu ne pas donner suite à cette réclamation mais leur directeur, Reinhold Baumstark, a estimé que des considérations morales l’obligeaient à rendre l’œuvre dans les plus brefs délais. Après avoir obtenu l’autorisation du gouvernement bavarois, il s’est excusé auprès des Glanville pour le délai écoulé depuis le dépôt de la plainte dans les années soixante-dix. Les Trois âges de la vie restera accroché à la Royal Academy jusqu’au 3 avril, accompagné d’un cartel modifié, puis suivra l’exposition “1900” au Guggenheim (18 mai-13 septembre). Il retournera ensuite à Londres chez ses propriétaires.

Une liste de 350 œuvres sur l’Internet

Une liste de 350 œuvres d’art, susceptibles d’avoir été volées par les nazis et exposées depuis dans des musées britanniques, a été publiée sur l’Internet (www.nationalmuseums.org.uk) dans l’espoir de retrouver leurs propriétaires ou ayants droit légitimes. Les principaux musées nationaux, associés à l’Holocaust Educational Trust, avaient entamé il y a un an un audit sur l’origine de ces pièces. Parallèlement, la Grande-Bretagne a mis en place un système d’indemnisation des victimes de persécutions nazies dont les possessions sur le territoire britannique avaient été confisquées pendant la Seconde Guerre mondiale. Le gouvernement a jusqu’ici versé 1,5 million de livres sterling (environ 15 millions de francs) de compensations.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°102 du 31 mars 2000, avec le titre suivant : La Royal Academy prise en défaut

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