Un transplanté heureux

Le Salon de Mars séduit les Genevois

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 14 avril 2000 - 754 mots

Transplanté de Paris à Genève par Daniel Gervis et Viviane Jutheau de Witt, le Salon de Mars, qui s’est tenu du 31 mars au 9 avril, a, malgré une fréquentation encore faible, trouvé un public de collectionneurs, en majorité suisses, français et italiens, connaisseurs et aisés... et séduit la plupart des 74 marchands présents.

GENEVE - Le pari était risqué, mais il semble en grande partie tenu. Le Salon de Mars qui s’était éteint sur les bords de Seine en 1996, en pleine crise du marché de l’art, est réapparu cette année sur la rive droite du lac Léman. Même nom, même concept misant sur la confrontation des spécialités, rapprochant mobilier classique, art moderne et contemporain, art primitif et joaillerie, les points forts du salon. Soixante-quatorze marchands, en majorité français et suisses, étaient présents au rendez-vous à Palexpo, le palais des Congrès situé à quelques minutes à pied de l’aéroport de Genève. Ils ont pris place dans la Halle 1 métamorphosée pour l’occasion :  les énormes tuyauteries ont été cachées par des tentures translucides, les murs et les sols habillés de tissus et de moquettes beiges. Le salon se voulait luxueux et confortable. Il l’était en grande partie grâce à ses larges allées et ses grandes hauteurs de plafond. Y manquaient cependant les éclairages tamisés qui font le charme de Maastricht, ainsi que les décorations et aménagements que l’on retrouve à la Biennale et au Pavillon des antiquaires, à Paris.

Des collectionneurs aisés et cultivés
Flattés par tant d’égards, les collectionneurs genevois, plus enclins à faire leurs achats à Bâle, Paris ou New York, ont eux aussi répondu présents. Ils ont été rejoints par quelques Français venus de  Lyon, Strasbourg ou Besançon, des Italiens et quelques rares Allemands. La fréquentation, plutôt faible, a été compensée par “la qualité des visiteurs” – selon la terminologie chère aux marchands. Pas ou peu de badauds ou de curieux, mais des visiteurs cultivés, à la recherche d’objets rares et de valeur pour enrichir leurs collections ou décorer leur intérieur. “L’argent ne semble pas un problème pour eux. Ce sont des collectionneurs aisés qui prennent le temps de réfléchir avant d’acheter et n’hésitent pas à revenir plusieurs fois sur les stands”, constatait l’antiquaire, Luc Révillon d’Apreval.

La plupart ont été séduits par la qualité des tableaux, meubles et objets d’art présentés. Il est vrai que nombre d’exposants n’avaient pas hésité à apporter quelques-unes de leurs plus belles pièces : un immense Utrillo de 1938, figurant un Montmartre riant et ensoleillé, et un beau Sérusier, la Cueillette du genêt (1889) sur le stand de Daniel Malingue ;  chez Donatello Di Méo, une Servante (1915) de Modigliani et Trois grâces (1923 ) esquissées à la plume et l’encre par Picasso ; une gouache de Malevitch, Composition suprématiste (1918), proposée à 240 000 francs suisses (960 000 francs français) par la galerie Eterso ; une grosse poignée d’Alechinsky, Ajouts au traité des excitants modernes, chez Sonia Zannetacci ; quelques très belles pièces d’art primitif chez Monbrison, Guimiot, Santo Micali, Ratton-Hourdé...

Après des débuts un peu difficiles marqués par un faible niveau de ventes, les exposants ont retrouvé le sourire au  milieu de la semaine, au fur et à mesure que se concluaient les transactions. Quatre jours avant la fermeture du salon, Marcel et David Fleiss avaient cédé 25 pièces,  la plupart entre 10 000 et 60 000 francs, ainsi qu’une gouache d’Yves Tanguy à 350 000 francs. Daniel Gervis s’est séparé d’une toile de Hans Hartung et d’une trentaine de tirages de Jean Ruiter, vendus de 7 500 à 75 000 francs. Patrice Trigano, “ravi”, avait conclu “huit affaires, certaines importantes, d’autres moyennes”, plusieurs jours avant la fin de la manifestation ; les pastels de Pierre Skira et les sculptures de Cardenas ont remporté un franc succès. Pour sa part, Jean-Pierre Arnoux semblait un peu plus réservé. “Cela n’a pas trop mal marché, confiait-il. J’ai vendu plusieurs pièces autour de 30 000 francs, mais pas les œuvres importantes de Poliakoff et de Matta, nettement plus chères. Il y a encore quelques réglages à faire : accentuer la publicité en Suisse et en Allemagne et éditer une affiche plus explicite que ne l’était celle du Salon”. Les antiquaires semblent avoir, eux aussi, bien travaillé, tels Marc et Luc Révillon d’Apreval ou Camille Bürgi qui a vendu plusieurs meubles importants, dont une paire de commodes époque Transition à 13 millions de francs. L’édition 2001 devrait, selon Daniel Gervis, accueillir 120 à 140 exposants, avec des spécialités plus étoffées, comme les arts décoratifs du XXe siècle.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°103 du 14 avril 2000, avec le titre suivant : Un transplanté heureux

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