Archéologie

Le Sénat fait de la résistance

Le projet de loi sur l’archéologie préventive a été amendé

Par Jean-François Lasnier · Le Journal des Arts

Le 14 avril 2000 - 577 mots

Le projet de loi relatif à l’archéologie préventive est ressorti passablement transformé de son passage au Sénat, qui a refusé le monopole accordé au futur établissement public et a modifié son statut. Incidemment, la Chambre haute a réglé le statut du mobilier archéologique issu des fouilles de sauvetage.

PARIS - Adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, le 23 février, le projet de loi relatif à l’archéologie préventive a été examiné par le Sénat le 29 mars. Sérieusement amendé, il n’a été voté que par la droite sénatoriale RPR-UDF-DL, tandis que la gauche PS-PCF s’y opposait. L’une des principales dispositions du projet de loi consistait en la création d’un établissement public administratif prenant le relais de l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (Afan), auquel est accordé le monopole des fouilles de sauvetage. La majorité sénatoriale RPR-UDF-DL a rejeté ce monopole et préféré transformer l’Afan en établissement public industriel et commercial (Épic). Pour Jacques Legendre, rapporteur de la commission des Affaires culturelles, ce refus n’a pas pour objet de soumettre le secteur à la loi du marché, mais il apparaît “comme une condition nécessaire pour permettre le développement des services archéologiques des collectivités territoriales”. L’argument est discutable ; de plus, “l’amendement de la commission méconnaît le fait que l’établissement public créé ne saurait répondre aux trois critères cumulatifs – objet, origine des ressources et modalités de fonctionnement proches de celles d’une entreprise privée – qui permettent de justifier un Épic”, a considéré Michel Duffour, le nouveau secrétaire d’État au Patrimoine. Il a rappelé la détermination du gouvernement à doter le nouvel établissement public d’un caractère administratif.

Le Sénat a en revanche apporté quelques modifications utiles au projet voté par l’Assemblée. Il a d’abord souhaité donner une existence législative au Conseil national et aux commissions interrégionales de la recherche archéologique. D’autre part, il a exonéré de la redevance les travaux réalisés pour elle-même par une collectivité territoriale, lorsqu’elle dispose d’un service archéologique. Introduite sur la suggestion d’un sénateur RPR, une autre disposition a reçu le soutien du groupe communiste, contre l’avis du gouvernement : elle prévoit que “le mobilier archéologique issu des opérations d’archéologie préventive appartient à l’État”, alignant ainsi la législation française sur celle de ses voisins. Auparavant, il était partagé entre le propriétaire et l’État, ce qui conduisait à des situations souvent ingérables.

Défaillance de l’État
“Si les services de l’État ne sont pas renforcés, la logique de la loi sera mise à mal”, prévient Pierre Ouzoulias, conservateur à la Drac Île-de-France. Les services de l’État ont en effet un rôle clé dans les procédures, puisqu’ils désignent le responsable des opérations, déterminent l’objectif de la fouille et en assurent la surveillance. L’insuffisance des moyens qui leur sont accordés risque de vider de sa substance leur fonction de contrôle, laissant l’établissement public s’autogérer. “Au niveau national, les conservateurs de l’archéologie sont moins nombreux qu’en 1986. Dans mon service, il manque quatre scientifiques ou cinq ou six administratifs”, constate Pierre Ouzoulias, alors qu’en 1999, la Drac Île-de-France a suivi 278 opérations et traité 3 000 dossiers. En refusant d’envisager la question archéologique dans son ensemble, le gouvernement compromet la réussite de la réforme ; il renonce notamment à atténuer le déséquilibre, pour ne pas dire l’abîme, entre archéologie préventive et archéologie programmée. Deux chiffres suffisent à l’exprimer : en Île-de-France, l’an dernier, les fouilles de sauvetage ont bénéficié d’un budget d’environ 80 millions de francs, tandis que les crédits destinés à l’archéologie programmée atteignaient péniblement 560 000 francs !

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°103 du 14 avril 2000, avec le titre suivant : Le Sénat fait de la résistance

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