Art moderne

Vogels et Morren

Une autre vision de l’avant garde belge

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 12 mai 2000 - 708 mots

Moins connus que James Ensor, Fernand Khnopff ou Théo Van Rysselberghe, Guillaume Vogels et George Morren sont deux figures caractéristiques de ce qu’ont incarné, au tournant du XIXe siècle, le cercle des XX puis la Libre Esthétique : originalité et influence s’y disputent dans un même désir d’adhérer au discours moderniste.

NAMUR ET BRUXELLES (de notre correspondant) - Absent des cimaises depuis plus de trente ans, l’œuvre de Guillaume Vogels est surtout connue aujourd’hui pour l’influence salutaire qu’elle a exercé, vers 1880, sur le jeune James Ensor. L’exposition organisée au Musée Charlier vient donc combler un vide d’autant plus important que Vogels a occupé au sein de l’avant-garde belge du tournant du siècle une place réellement centrale. Plus âgé que la phalange de jeunes peintres qui, en 1883, allait fonder le cercle des XX, Vogels fait très clairement figure de passeur entre une tradition réaliste, à laquelle il adhère en 1875 en devenant membre du cercle La Chrysalide, et une recherche dominée ensuite par cette originalité impressionniste qui semble lui poser problème. Pour Vogels, la peinture relève davantage d’une puissance d’expression qui passe par la matière férocement charpentée. Adepte du couteau à palette avec laquelle il maçonne ses compositions, il recherche néanmoins la nuance et l’harmonie. Que ce soit par le ton, par la teinte ou par les effets atmosphériques, il donne à ses paysages et à ses natures mortes une densité introspective qui paie aussi sa dette à la mode. L’influence de Whistler révèle cette recherche du goût du jour qui, ailleurs, évoquera Monet, Turner, Van Gogh, ou même l’ancien disciple Ensor dans une toile comme Après-midi d’été (1893). Nombre d’œuvres sont ainsi trahies par leur date, qu’il faut relier à ce qui a été montré au cercle des XX ou aux rencontres qu’a fait l’artiste. Pourtant, l’œuvre témoigne aussi d’une réelle puissance et d’une originalité qui a sans conteste orienté la peinture belge du Réalisme à l’Expressionnisme. Fort de quelque 200 œuvres, l’accrochage ne permet pas toujours une juste appréciation de la démarche de Vogels. Les regroupement improvisés, voire arbitraires, ainsi que la faiblesse de la sélection brouillent la lecture d’une œuvre pourtant méthodique et progressive. Si le catalogue apporte de précieux éclaircissements, il reste trop vague quant à la signification de l’œuvre dans son temps. Rechignant à critiquer le principe d’originalité comme effet de mode caractéristique, il échoue à renouveler la vision traditionnellement admise des XX comme avant-garde.

Une seule œuvre inlassablement reproduite
Ce n’est pas un hasard si cette question resurgit à Namur, dans la rétrospective que consacre le Musée Rops aux œuvres de George Morren. Moins ambitieuse, mais aussi moins prétentieuse, l’exposition et le catalogue qui l’accompagne ne veulent pas entrer dans le registre de l’interprétation. L’accrochage thématique et la réduction de la monographie à une chronologie commentée enrichissent la connaissance d’un artiste renommé pour une seule œuvre inlassablement reproduite : Dimanche après-midi (1892), aujourd’hui à Indianapolis.

Né en 1868, Morren incarne au sein de l’avant-garde une nouvelle génération marquée par les débats artistiques du temps. Chaque œuvre traduit une influence, de Van de Velde à Renoir en passant par Seurat, l’idéalisme, le synthétisme, les Nabis ou les Arts & Crafts. Inégale, la peinture de Morren n’est pas dénuée de charme. Elle apparaît surtout comme la tentative – parfois désespérée – de trouver sens en s’inscrivant immédiatement dans l’histoire. À travers ces deux rétrospectives, une autre vision de l’avant-garde s’esquisse. Les documents livrés – et il faut souligner les mérites de l’éditeur Pandora qui a assumé la publication des deux ouvrages, dotés chacun d’un catalogue raisonné – permettent de mieux saisir l’enjeu du débat qui s’est esquissé vers 1880 autour de la notion de modernité : entre originalité et effet de mode, l’avant-garde devait y tracer sa voie.

- GUILLAUME VOGELS, jusqu’au 3 juin, Musée Charlier, 16 avenue des Arts, Bruxelles, tél. 32 2 218 53 82, tlj sauf lundi et jf 10h-18h. Puis, 24 juin-28 août, Museum voor Schone Kunsten, Wapenplein, Ostende, tél. 32 59 80 53 35. Catalogue 190 p., 1 250 FB.
- GEORGE MORREN, jusqu’au 18 juin, Musée Félicien Rops, 12 rue Fumal, Namur, tél. 32 81 22 01 10, tlj sauf lundi 10h-18h. Puis, 8 juillet-31 août, Museum voor Schone Kunsten, Ostende. Catalogue 230 p., 1 650 FB.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°105 du 12 mai 2000, avec le titre suivant : Vogels et Morren

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