Fiat lux !

Quand la couleur crée la lumière

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 26 mai 2000 - 392 mots

Beaucoup d’expositions se sont attachées à démontrer l’influence de la lumière sur l’évolution de la palette des peintres. La Fondation Beyeler, elle, s’intéresse au phénomène inverse : comment la couleur peut créer de la lumière. De l’Impressionnisme à aujourd’hui, une centaine d’œuvres étayent ce propos, servi par la rigueur de l’architecture de Renzo Piano et le bel éclairage naturel qu’elle offre.

RIEHEN/BÂLE - “La lumière n’est pas une chose qui peut être reproduite, mais qui doit être représentée par autre chose, par des couleurs. J’ai été content de moi quand j’ai trouvé ça.” Les commissaires de l’exposition “De la couleur à la lumière” ont dû, eux, être contents quand ils ont lu ces phrases de Cézanne – citées dans le catalogue – car elles corroborent leur parti pris : la couleur peut générer une lumière propre. “Depuis le Fauvisme, la lumière propre naît de la couleur telle une sorte d’émission lumineuse. La couleur s’embrase à l’intérieur de la matière, rayonne et décompose le monde de la res extensa dans un continuum d’énergie”, écrit ainsi Markus Brüderlin. Emporté par son enthousiasme, celui-ci oublie nombre d’œuvres anciennes où la lumière n’est pas qu’un éclairage et parvient à émettre du retable ou du tableau. Mais la collection Beyeler étant centrée sur l’art moderne et contemporain,  l’accrochage fait la part belle à ses représentants et débute par les Impressionnistes. Une toile de la série des Cathédrales de Rouen rappelle comment Monet cristallisait la lumière du matin par des touches de couleur, puis Seurat (La grève du Bas Butin à Honfleur) et Signac (Saint-Tropez) montrent les effets de la juxtaposition de petits points de couleurs pures. Avec ses Formes circulaires, Soleil n°1, Delaunay s’intéressait aux impressions de la lumière solaire sur la rétine. Acanthes, le somptueux papier découpé de Matisse, préfigure ici les peintures en aplats monochromes, représentées par deux Klein. Ceux-ci figurent dans la seconde partie du parcours, consacrée à un autre pouvoir de la couleur, permettant à la lumière d’envahir l’espace. Installations (Dan Flavin, Maurizio Nannucci…) et peintures (Geiger, Nauman…) alternent pour montrer comment les artistes échappent à la surface de la toile, ou comment Rothko créait une lumière, celle du salut.

- DE LA COULEUR À LA LUMIÈRE, jusqu’au 30 juillet, Fondation Beyeler, Baselstrasse 77, CH-4125 Riehen/Bâle, tél. 41 61 645 97 00, tlj 10h-18h, mer. jusqu’à 20h. Catalogue, Hatje Cantz Verlag, 49 FS.

Inaugurée en bordure de Bâle il y a moins de trois ans, le 21 octobre 1997, la Fondation Beyeler va déjà s’agrandir. Les travaux en cours, menés sous l’égide de Renzo Piano, s’achèveront cet été et ajouteront 1 000 mètres carrés au 2 300 existants. “Je préfère disposer d’un espace d’un seul niveau pour présenter les monographies d’artiste, et ne pas utiliser les salles du sous-sol”?, explique Ernst Beyeler, qui se félicite d’accueillir plus de visiteurs que le Kunstmuseum de Zurich. Prochaines expositions, Andy Warhol en septembre, et Mark Rothko l’année prochaine.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°106 du 26 mai 2000, avec le titre suivant : Fiat lux !

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque