Chéris avant d’être chers

Deux cents bijoux romantiques illustrent l’art du paraître

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 9 juin 2000 - 523 mots

En réunissant 200 bijoux et parures des années 1820-1850, le Musée de la vie romantique met en lumière la diversité de la bijouterie française et témoigne de la mode parisienne sous la Restauration et le règne de Louis-Philippe. Une trentaine de tableaux, portraits et scènes d’intérieur enrichissent l’ensemble et évoquent le raffinement de l’ancienne aristocratie et de la bourgeoisie récemment fortunée, mais aussi des artistes, dandys et demi-mondaines...

PARIS - La première moitié du XIXe siècle correspond au rétablissement des Bourbons sur le trône de France mais aussi à un nouvel essor des arts décoratifs, auquel le bijou participe pleinement. La période est “romantique”, un sentiment qui s’exprime dans les arts décoratifs par un engouement pour le Moyen Âge, à travers sa période gothique, et la Renaissance, mais aussi par une certaine fascination pour l’Orient. D’autre part, les objets à sujets symboliques ou sentimentaux sont florissants. L’ancien atelier de travail du peintre Ary Scheffer, récemment rénové, accueille aujourd’hui une sélection de bijoux, datant de 1820 à 1850, provenant en majorité du Musée des arts décoratifs de Paris, et complétée par des pièces de collections publiques et privées. Les œuvres présentées attestent la diversité des matériaux et des techniques utilisés ainsi que la richesse de leurs influences. La période de la Restauration correspond au développement de la bijouterie en matière non précieuse : acier, fonte ou résille de fer. Comme le précise Daniel Marchesseau, directeur du Musée de la vie romantique, “le bijou romantique est chéri, avant d’être cher. Aux gemmes d’exception, on préfère de délicates citrines, améthystes, topazes et grenats aux transparences chatoyantes ou encore des pierres ornementales à la matière plus profonde (lapis-lazuli, turquoise)”. Il semble également que ce choix économique permettait à la bourgeoisie parisienne et à la noblesse de l’Ancien Régime (enfuie à l’étranger ou ruinée sous la Terreur) de paraître à moindres frais.

Une série de peintures offre une interprétation sociologique du bijou : l’art de la toilette résidait moins dans le bijou lui-même que dans la manière de le porter. Reflet d’une société, le bijou est aussi l’expression d’un savoir-faire. Afin d’obtenir des créations originales, les bijoutiers, souvent orfèvres, font appel à des sculpteurs. François-Désiré Froment-Meurice s’était ainsi attaché les services du sculpteur Jean-Jacques Pradier pour réaliser le bracelet en argent de style Renaissance représentant deux femmes allongées de part et d’autre d’une cassolette (1841). Des citations littéraires de l’époque, de Théophile Gautier ou d’Alfred de Musset (“La parure est une arme, et le bonheur suprême/ Après d’avoir vaincu, c’est d’avoir désarmé”), accompagnent les œuvres. Elles mettent l’accent sur l’aspect ludique de certaines pièces telles la bague à flacon qui servait à conserver des sels pour calmer les spasmes nerveux ou encore la “ferronnière”, perle ou pierre maintenue par un ruban, qui orne le front des jeunes femmes. D’autres bijoux plus sobres illustrent cet art du paraître, indissociable de la reconnaissance sociale.

- BIJOUX ROMANTIQUES (1820-1850) – LA PARURE À L’ÉPOQUE DE GEORGE SAND, jusqu’au 1er octobre, Musée de la vie romantique, 16 rue Chaptal, 75009 Paris, tél. 01 48 74 95 38, tlj sauf lundi et jours fériés, 10h-17h. Catalogue édité par Paris-Musées, 125 p., 195 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°107 du 9 juin 2000, avec le titre suivant : Chéris avant d’être chers

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