Archéologie

Meurtre à la truelle

Quand Agatha Christie jouait les archéologues

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 9 juin 2000 - 512 mots

Si Agatha Christie est célèbre pour ses romans policiers, sa passion pour l’archéologie reste dans l’ombre. L’écrivain a pourtant parcouru les chantiers de fouilles au bras de son époux, l’archéologue Max Mallowan, comme le prouve une exposition itinérante actuellement à Vienne.

LONDRES (de notre correspondant) - L’histoire commence en 1930, alors qu’Agatha Christie part seule à la découverte des sites de l’Irak antique. Voyageuse intrépide, elle prend l’Orient Express jusqu’à Istanbul, et saute dans le Taurus Express à destination de Damas, avant de se joindre, durant les deux derniers jours de son périple, à une luxueuse caravane qui rallie Bagdad en traversant le désert. De là, elle reprend le train jusqu’à Ur, en Mésopotamie, visite le site archéologique et fait la connaissance du jeune Max Mallowan. Mais ce coup de foudre cède vite à l’hésitation : Max est de quatorze ans son cadet. “Aucune femme ne peut rêver meilleur mari qu’un archéologue, car plus elle vieillit, plus elle l’intéresse”, aurait dit la romancière avant de finalement accepter la demande en mariage de son prétendant. L’auteur des Dix petits nègres décédera en 1976, à l’âge de quatre-vingt-cinq ans, deux ans avant Mallowan.

Sur les chantiers, Agatha aide son époux au catalogage et à la conservation des pièces exhumées, et en assure l’inventaire photographique. Dans l’exposition, les découvertes de Mallowan, avec des pièces prêtées par le British Museum, figurent aux côtés des photographies, livres et objets de l’écrivain, et d’un film en couleur inédit, réalisé par Agatha Christie en 1938 sur le site de fouilles de Tel Arpachiyah. Ninive, Chagar Bazar, Tell Brac ou Nimrud, le couple parcourt de nombreux chantiers. “Ils avaient des méthodes de travail similaires, cela explique la fascination d’Agatha pour l’archéologie, mais aussi le pourquoi d’une association si fructueuse”, explique le commissaire de l’exposition, Charlotte Trümpler. La vie quotidienne des civilisations antiques inspirait toutefois plus Agatha que l’histoire politique des rois. Elle fut ravie lorsque l’équipe découvrit à Nimrud la pierre tombale d’un chien, portant pour toute inscription : “Ne réfléchis pas, mords !” Alors que certains de ses romans, tels que Mort sur le Nil et Le Crime de l’Orient Express, rappellent ses voyages en Orient, d’autres, tout aussi célèbres, à l’instar de Meurtre en Mésopotamie, Rendez-vous avec la mort et La mort n’est pas une fin, sont directement inspirés de son expérience d’archéologue. Dans un passage de Mort sur le Nil, le détective Hercule Poirot compare de manière explicite ses méthodes d’investigation à l’approche archéologique : “On retire la terre éparse et on gratte avec un couteau jusqu’à faire apparaître l’objet, isolé, prêt à être dessiné et photographié, libéré de toute matière étrangère qui pourrait l’altérer. C’est ce que je cherche à faire : éliminer la matière étrangère pour faire éclater la vérité.”

- Agatha Christie et l’Orient : criminologie et archéologie, jusqu’au 17 septembre, Museum for Völkerkunde, Neue Burg, Vienne, tlj sauf mardi 10h-18h, tél. 43 1 534 300. Puis l’Antikenmuseum de Bâle (29 octobre -1er avril 2001), Vorderasiatisches Museum de Berlin (15 mai - 30 septembre 2001) et le British Museum (novembre 2001 - mars 2002).

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°107 du 9 juin 2000, avec le titre suivant : Meurtre à la truelle

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