L’actualité vue par Rik Gadella

Organisateur de Paris Photo

Le Journal des Arts

Le 9 juin 2000 - 867 mots

D’origine néerlandaise, Rik Gadella vit et travaille à Paris depuis 1991. Il a publié de nombreux livres d’artistes (Jean-Charles Blais, James Brown, Markus Lüpertz, Robert Mangold, Bob Wilson…). En 1997, il lance avec sa société IPM (International Production Management) Paris Photo au Carrousel du Louvre, seul salon en Europe consacré à la photographie ancienne, moderne et contemporaine, dont la quatrième édition aura lieu cet automne. Il commente l’actualité.

Que pensez-vous de la Tate Modern à Londres ?
J’en ai un peu assez de ce complexe français, entretenu par une partie de la presse et par certains observateurs, qui veut que tout soit toujours mieux à l’étranger. Bien sûr le bâtiment de la Tate Modern est une vraie réussite architecturale : Herzog et de Meuron ont signé une rénovation incroyable de finesse et d’intelligence. Mais la collection reste très faible, pour la première moitié du siècle, et ne peut pas rivaliser avec celle du Musée national d’art moderne au Centre Pompidou. Il ne faudrait pas oublier que le cœur d’un musée, c’est sa collection !

Et que vous inspirent les 60 millions de dollars que vont investir la Tate et le MoMA pour la création d’un site Internet commun (lire le JdA n° 106) ?
C’est de la folie ! Je ne crois pas que l’Internet puisse créer immédiatement des nouveaux marchés. Le marché des produits dérivés ne va pas être multiplié tout de suite par cinq, même si ce secteur est beaucoup plus actif qu’en France.

Pourquoi n’exposez-vous pas à Bâle cette année ?
Par manque de temps, tout simplement. Mais Bâle reste à mes yeux la meilleure foire d’art moderne et contemporain au monde. Samuel Keller, le nouveau directeur, poursuit les efforts entrepris pour attirer les meilleurs collectionneurs. Je crois qu’”Art Unlimited” (lire notre Vernissage) sera passionnant, plus vivant que le Hall des sculptures, créé il y a trois ans, qui était un espace un peu mort à mon goût. Les directeurs d’Art Basel ont le courage de prendre des initiatives, ils savent aussi en tirer les leçons et se renouveler.

Paris Photo s’adresse surtout aux galeries. Pensez-vous que le succès des récentes ventes d’art contemporain à New York a une répercussion sur l’activité des galeries ?
Il suffit de voir les dizaines d’assistants qui répondent au téléphone dans les galeries de Chelsea, et le nombre de chauffeurs qui attendent dans les limousines, à leurs portes ! J’espère que l’engouement, voire l’hystérie, que l’on constate notamment autour de la net-économie et de la Bourse ne va pas se traduire, comme à la fin des années quatre-vingt, par la multiplication irrationnelle de la cote des artistes. Ce serait funeste.

Vous avez vu la Biennale du Whitney à New York…
Après avoir revu la vidéo de Shirin Neshat au Whitney et, au Festival de Cannes, le film iranien de Samira Makhmalbaf Le Tableau noir, qui a obtenu à juste titre le Prix du jury ex aequo, j’ai aujourd’hui très envie d’aller en Iran !

Quelles autres expositions vous ont récemment intéressé ?
J’ai beaucoup apprécié l’exposition “Elysean Fields”, actuellement présentée au Centre Georges-Pompidou. C’est un lieu de croisements réussis entre plasticiens, photographes et musiciens. J’ai bien aimé aussi la légèreté de la mise en scène et ses interventions musicales omniprésentes. Cette expérience prouve que l’on réussit mieux les passages entre mode et art, comme le montre aussi “La beauté” à Avignon. Je pense en particulier à l’exposition “Décors à corps” organisée par Olivier Saillard, le directeur du Musée de la mode à Marseille, qui, par ailleurs, parvient à concevoir dans sa ville des expositions remarquables avec des moyens limités. Au Palais des Papes, j’ai surtout été impressionné par la grande peinture d’Anish Kapoor et par l’œuvre de Giuseppe Pennone, constituée de feuilles de laurier. Les organisateurs ont vraiment réussi à créer une circulation dans la ville. En déambulant d’un lieu d’exposition à l’autre, on retrouve un peu l’ambiance de la Biennale de Venise.

Qu’attendez-vous des Rencontres photographiques d’Arles et du Printemps de Cahors ?
Que ces manifestations reflètent le cross over qui caractérise les tendances actuelles de la photographie. Photographes et artistes plasticiens naviguent désormais entre nouveaux médias et nouvelles technologies… Le thème choisi pour le Printemps de Cahors, “Sensitive”, et la réflexion qui sera menée par une trentaine de photographes autour de la “jouissance esthétique” ont tout pour me séduire ! De même, sous l’impulsion de Gilles Mora, beaucoup d’artistes peu connus seront présents à Arles. Je pense notamment à deux photographes japonais, Seiichi Furuya et Masahisa Fukase. L’autre événement programmé à Arles dont j’attends beaucoup est la soirée “On air !” avec Dominique Gonzalez-Foerster et autour des nouveaux médias. Comme à Avignon pour “La beauté”, les organisateurs du Printemps et des Rencontres ont choisi de passer beaucoup de commandes et de ne pas se contenter d’exposer des œuvres déjà montrées ailleurs. C’est, à mon avis, un bon parti pris.

Un commentaire après l’abandon de “Périphérock”, les concerts qui devaient être organisés sur le périphérique parisien le 14 juillet ?
Je ne suis pas très “rock” ! J’attends plutôt de voir le festival Agora à l’Ircam, à partir du 5 juin, et son concert inaugural dirigé par Esa-Pekka Salonen. Et puis, le 1er janvier passé, tout le monde se fiche de l’an 2000 !

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°107 du 9 juin 2000, avec le titre suivant : L’actualité vue par Rik Gadella

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