Pollack et non Pollock, la tentative de fraude échoue

Pour la première fois, un juge new-yorkais impose des sanctions dans une affaire d’authentification d’œuvres

Le Journal des Arts

Le 9 juin 2000 - 647 mots

Un tribunal new-yorkais a condamné un avocat et son client qui avaient assigné en justice la commission d’authentification des œuvres de Jackson Pollock pour avoir refusé d’authentifier une peinture comme un original de l’artiste.

NEW YORK (de notre correspondante) - “C’est la première fois que des sanctions sont imposées dans une affaire d’authentification d’œuvres d’art”, affirme Ronald D. Spencer, du cabinet juridique new-yorkais DeForest & Duer, qui représentait les défendeurs. En 1994, Kenneth Lariviere, le plaignant, avait soumis Vertical Infinity, supposé de la main de Pollock, au Pollock-Krasner Authentication Board, Inc. en prétendant avoir acheté l’œuvre aux héritiers de Frederick “Schwankasky”. Fondée en 1990, la commission Pollock-Krasner authentifie gratuitement les œuvres prétendument signées par Pollock ou par sa femme, Lee Krasner. En 1995, elle avait informé M. Lariviere que sa toile n’était pas un original. En 1999, ce dernier a engagé des poursuites contre la commission, en affirmant que celle-ci aurait dû authentifier la peinture car son origine était attestée par un affidavit d’un membre de la famille Schwankovsky et par une analyse graphique de la signature de Jackson Pollock. Le comité avait déjà refusé de reconnaître cette même œuvre, deux années auparavant, lorsqu’un autre propriétaire l’avait soumise pour examen, a déclaré le juge Emily Jane Goodman, de la Cour suprême de New York, en rendant sa décision le 30 mars. Le propriétaire précédent disait l’avoir acquise à la suite d’une annonce publiée dans la presse “par une personne nommée Sylvia Gruszczynski”. L’analyse de la signature de l’artiste avait été faite par un “expert autoproclamé, qui n’est reconnu par aucune association professionnelle et dont l’expérience se limite apparemment aux souvenirs sportifs”, a remarqué le juge. L’expert avait eu en mains des photos des signatures, a précisé la cour, et n’avait initialement pas été chargé “d’examiner une photographie du dos du tableau, où le nom de l’artiste n’est pas orthographié correctement”.

Un fac-similé
L’affidavit du membre de la famille, certainement un des fils de Frederick Schwankovsky, affirmait que son père avait été le professeur de Pollock au lycée entre 1928 et 1930 et que la peinture était un cadeau fait par l’artiste à son enseignant en 1953. Toutefois, le fils n’a pas pu expliquer les fautes dans l’orthographe des noms de Pollock (“Pollack”) et du donataire (“Schwankasky”) figurant sur une inscription au dos de la peinture. Dans les années soixante, un membre du Pollock-Krasner Authentication Board avait interviewé le professeur de lycée de Pollock, mais, à l’époque, M. Schwankovsky n’avait jamais mentionné détenir un Pollock, a poursuivi le juge, et aucun droit de succession sur une peinture de valeur de l’artiste n’a jamais été payé par un membre de la famille. Par ailleurs, la cour a fait remarquer, de façon péremptoire, que la commission d’authentification avait conclu que le plaignant avait acheté l’œuvre comme un fac-similé, “tel quel”, pour 4 000 dollars canadiens lors d’une vente aux enchères. Ces revendications étaient “une tentative de fraude risible et maladroite faite par un individu qui espérait posséder une peinture de Jackson Pollock”, a déclaré le juge. Les défendeurs ont dû débourser “d’importantes sommes d’argent pour se défendre face à un complot enfantin”, a-t-il précisé. Les avocats du comité avaient averti les plaignants que, en cas de poursuites, ce dernier demanderait des sanctions et le remboursement des honoraires, car aucun avis d’expert ne déclarait la peinture originale et parce que les plaignants étaient convenus de ne pas engager de poursuites contre la commission en lui soumettant le tableau. “Le plaignant et son avocat ont apparemment décidé de prendre le risque d’aller plus loin, étant donné la valeur potentielle d’un original de Jackson Pollock”, a indiqué le juge. Le demandeur et son avocat, Gordon Locke, ont été condamnés à payer les frais de justice des défendeurs, y compris ceux d’expertise et d’avocat. Le procès s’étant révélé futile, ils devront également verser 10 000 dollars au Lawyer’s Fund for Client Protection de New York.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°107 du 9 juin 2000, avec le titre suivant : Pollack et non Pollock, la tentative de fraude échoue

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque