Vienne : le Belvédère se perd dans son inventaire

Le Journal des Arts

Le 9 juin 2000 - 472 mots

La rigueur des musées autrichiens est mise en doute par un rapport de la Cour des comptes, qui dresse un portrait peu reluisant de l’Österreichische Galerie. L’institution, consacrée à l’art autrichien du Moyen Âge à nos jours, est montrée du doigt pour sa gestion financière hasardeuse et des lacunes dans ses inventaires.

VIENNE (de notre correspondante) - Les cinq peintures de Gustave Klimt conservées par l’Österreichische Galerie au Belvédère, et réclamées par les héritiers Bloch-Bauer (lire le JdA n° 72, 4 décembre 1998), ne sont pas le seul souci de ce musée viennois. Selon les contrôleurs de l’État, l’établissement aurait en effet “égaré” 3 200 des quelque 10 000 œuvres dont il a la charge. Parmi les manques figure un précieux carton à dessins donné en 1912 par le couturier parisien Paul Poiret. S’y trouvaient cinquante-deux feuilles, dont quatorze de la main d’Egon Schiele. L’ensemble est estimé aujourd’hui à plusieurs centaines de millions de schillings, les seuls dessins de Schiele sont évalués à l’équivalent de 75 millions de francs. “Il a transité par l’Albertina car il s’agissait d’œuvres graphiques”, a répondu le Belvédère. Mais les feuilles ne figurent pas non plus dans les réserves du cabinet de dessins de l’Augustiner Strasse. “Il n’existe aucun document, aucune photo de ces œuvres, comme si nous ne les avions jamais possédées”, admet Gerbert Frodl, directeur de l’Österreichische Galerie depuis 1992. Il met en cause ouvertement les milieux politiques comme responsables de ces pertes. “Nous courons derrière ces œuvres prêtées depuis des années”, déclare le directeur au sujet de prêts consentis à des bureaux et à des lieux de représentation. Après avoir pris en compte les doubles catalogages, les restitutions, mal ou jamais enregistrées, à des États autrefois dans le giron des Habsbourg ou à des victimes des spoliations nazies, “la liste des œuvres à retrouver s’est réduite à 300 numéros d’inventaire”, rassure Gerbert Frodl.

De plus, des écarts, atteignant parfois 258 %, entre les budgets prévisionnels et les bilans de ces dernières années ont été mis en évidence par le rapport de la Cour des comptes. En 1998, les coûts des activités liées aux expositions auraient dépassé de 42 % les estimations, et de nombreux documents comptables se seraient tout simplement volatilisés. Pour la grande exposition consacrée à Claude Monet en 1996, les livres de caisse n’auraient été remplis qu’au mois de mars 1999, et il semble impossible aujourd’hui de vérifier le nombre de catalogues réellement vendus, ainsi que le nombre exact d’entrées. “Il est vrai que pour cette exposition, admet M. Frodl, nous avons eu des problèmes de comptabilité, nous n’étions pas prêts à recevoir autant de visiteurs. Toutefois, depuis janvier 2000, le Belvédère est devenu complètement autonome et a embauché un directeur administratif”. Malgré la tourmente qui a suivi les révélations du rapport, Gerbert Frodl a été reconduit dans ses fonctions jusqu’en 2003.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°107 du 9 juin 2000, avec le titre suivant : Vienne : le Belvédère se perd dans son inventaire

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