De Gaulle entre au musée

Les salles « IIde Guerre mondiale » inaugurées aux Invalides

Le Journal des Arts

Le 25 août 2000 - 569 mots

Décidé début 1996, achevé en juin 2000, l’aménagement d’une aile consacrée à la Seconde Guerre mondiale et à la France libre, au sein du Musée de l’Armée, a été mené promptement. La réalisation en temps voulu de ce chantier important, estimé à près de cent millions de francs, doit beaucoup à l’existence d’une volonté politique forte. Revers de la médaille, les réserves du ministère de la Culture n’ont pu empêcher le traitement radical réservé au bâtiment de Libéral Bruant.

PARIS - Alors que le gaullisme politique agonise, le général de Gaulle entre au musée. L’idée en revient bien sûr à Jacques Chirac. Toutefois, le projet initial a connu quelques modifications en cours de route : du musée consacré à la France libre voulu à l’origine par le président de la République, il s’est élargi en une évocation de la Seconde Guerre mondiale, au sein du Musée de l’Armée aux Invalides. Libérée par le départ du Service de santé des armées, l’“aile des prêtres” accueille aujourd’hui cette nouvelle section baptisée “Général de Gaulle-2de Guerre mondiale-La France libre-La France combattante” (ouf !). Son ouverture, quatre ans seulement après le lancement du projet, tenait évidemment de la gageure, et, tandis que la réouverture du Musée Guimet est à nouveau reportée, ce respect des délais – et le budget élevé de 100 millions de francs – montre que, bien souvent, une véritable volonté politique fait défaut. Le défi ne concernait pas tant les travaux d’infrastructure que les collections, somme toute, assez minces pour occuper les 2 000 m2 d’exposition, contre 300 m2 auparavant.

Ni censure ni polémique
Si plusieurs achats ont été effectués, et si de nombreux dons sont venus de particuliers et de gouvernements étrangers, une muséographie renouvelée a permis de pallier avantageusement les insuffisances de la collection, en recourant largement au cinéma : 35 films – d’ambiance sur les grands écrans ou didactiques sur les petits – d’environ trois minutes, jalonnent ainsi le parcours, et “les réalisateurs sont extérieurs au monde militaire”, tient à signaler Gilles Aubagnac, conservateur du département contemporain. Outre ces films, des cartes animées, des maquettes, des panneaux didactiques (en quatre langues), et des objets divers placés dans des vitrines chics en métal oxydé – d’un exemplaire de Mein Kampf à une tourelle de char allemand pour en rester à la première salle – évoquent les principaux événements du conflit. Héritage du projet originel – un Musée de la France libre –, le parcours, qui s’achève sur la silhouette inquiétante de Little Boy, suit parallèlement la marche du monde, avec tous les théâtres d’opérations, et celle de la France. Au-delà de l’“iconisation” attendue du général de Gaulle, avec par exemple le texte de l’appel du 18 juin défilant sur l’effigie géante de son auteur, les sujets qui fâchent, tels Vichy et le sort réservé aux Juifs de France, n’ont pas été oubliés ; le discours historique sous-tendant le projet muséographique a été élaboré sans “aucune censure ni polémique”, explique Gilles Aubagnac. En revanche, le traitement brutal infligé au bâtiment de Libéral Bruant pourrait donner matière à polémique. Alors que ce bâtiment conservait intacte sa structure du XVIIe siècle, la réalisation du projet a nécessité de jeter bas cloisons et planchers. La volonté présidentielle ne connaissant ni loi ni règlement, l’opposition du ministère de la Culture a été vaine. N’ont été sauvées que deux chambres de prêtres, où sont exposés les objets personnels (les reliques ?) du général de Gaulle.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°109 du 25 août 2000, avec le titre suivant : De Gaulle entre au musée

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