Un Klimt presque parfait

Le Journal des Arts

Le 25 août 2000 - 577 mots

Réclamé aux musées de Strasbourg par les héritiers du collectionneur viennois Karl Grunwald, L’Accomplissement de Klimt serait en fait une simple réplique d’atelier. Cette conviction des conservateurs vient étayer leur thèse sur la provenance de l’œuvre.

STRASBOURG - Après le jugement de première instance, l’affaire semblait entendue : L’Accomplissement (vers 1909) de Gustav Klimt acquis par les musées de Strasbourg en 1959, auprès du peintre local Adolphe Graeser, a fait l’objet d’une spoliation pendant la dernière guerre (lire le JdA n°75, 22 janvier 1999). Estimant caractérisée la mauvaise foi de l’acheteur, en raison d’un prix jugé “dérisoire”, le tribunal de grande instance de Strasbourg avait rejeté la prescription et fait droit à la demande des héritiers du collectionneur viennois, Karl Grunwald. Ceux-ci soutenaient que l’œuvre avait été achetée par Graeser lors de la vente après saisie des biens de Grunwald, à Strasbourg, en 1943. Condamnée à restituer l’œuvre, la ville avait fait appel. Les recherches entreprises depuis par les conservateurs sont pourtant venues soutenir leur thèse. Leurs conclusions sont contenues dans un nouveau mémoire déposé en juin.

“L’hypothèse d’une copie d’atelier avait été évoquée dès le départ, puis elle a été oubliée”, explique Jean-Louis Faure, conservateur du Musée des beaux-arts de Strasbourg. Or il semble désormais certain que l’œuvre est une réplique du carton pour une mosaïque du Palais Stoclet, conservé à Vienne. La présence de reports et d’inscriptions sur la version viennoise indique avec certitude qu’il s’agit de l’original. “On ne voit pas comment un peintre déjà célèbre et adulé, quelqu’un d’aussi créatif, se serait donné la peine de recopier trait pour trait la première version. C’est une question de bon sens”, estime le conservateur, qui rappelle que “Klimt travaillait en liaison permanente avec les Wiener Werkstätte”(ateliers viennois).

Si c’est une réplique, il devient plausible que Graeser, peintre peu fortuné, l’ait acquise lors d’un séjour en Autriche dans les années dix ou vingt, ainsi que l’avait affirmé sa nièce, et non lors de la vente de 1943. De toute façon, “même si le tableau a appartenu à Grunwald, il n’y a pas de raison que Klimt l’ait fait de sa main”.

Après la guerre, le collectionneur ne l’avait pas signalé parmi les œuvres qu’on lui avait volées. “Connaissant la manie des nazis de produire des papiers pour tout, continue Jean-Louis Faure, il y a sûrement une trace de la vente de 1943, qui permettrait de trancher le litige.” Malheureusement, les archives de Strasbourg relatives à cette période sont conservées à Karlsruhe “dans un désordre indescriptible”.

Au-delà de la provenance, Strasbourg conteste la mauvaise foi retenue par les juges, sur la base d’un prix d’achat assez faible, 50 000 francs. La ville avait soutenu que Klimt n’était guère connu à cette époque en France. Elle a reçu un renfort de poids en la personne de l’historien de l’art Albert Châtelet. Jeune conservateur, il avait collaboré avec Jean Cassou à la préparation de l’exposition “Les sources du XXe siècle”, qui avait révélé Klimt au public français. Dans son témoignage, Châtelet a confirmé que l’artiste viennois était alors parfaitement inconnu de ce côté-ci du Rhin. Ce qui pourrait justifier un prix si modeste.

Reste toutefois un élément qui avait été déterminant en première instance : l’inscription à la craie “SEEG 1023” découverte au dos de la toile. Celle-ci avait semblé confirmer les dires des héritiers, selon lesquels le transfert des biens de Grunwald, de Vienne à Strasbourg, en 1938 avait été assuré par la société de transports strasbourgeoise Seegmuller.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°109 du 25 août 2000, avec le titre suivant : Un Klimt presque parfait

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