Quatre questions à Michel Blazy

Michel Blazy - Entre le jardin, l’atelier, et la cuisine

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 8 septembre 2000 - 580 mots

Né en 1966, Michel Blazy manie les aliments et les matières fragiles pour réaliser des sculptures et installations en constante évolution, au gré de leurs décompositions. À l’occasion de son exposition à la galerie Art : Concept, il nous parle de ses expérimentations sur les croquettes pour chats.

Comment avez-vous conçu cette nouvelle exposition ?
Je n’ai pas encore de direction particulière, ce sont les pièces elles-mêmes qui les donneront. Chez moi, je ne réalise que des expériences. Tout voyage dans un triangle entre le jardin, l’atelier, et la cuisine où arrive la matière première. Une fois à la galerie, je peux répéter et multiplier mon expérience ; il me suffit d’aller à l’épicerie voisine. Mes œuvres partent toujours d’une rencontre, d’une anecdote.

Vos œuvres sont-elles toujours amenées à disparaître ?
Leur caractère éphémère dépend uniquement de nos repères, de la durée de l’exposition. À Marseille, j’ai réalisé une installation intitulée la Maison de Mucor. Le mucor est une moisissure qui peut survivre plus de vingt-cinq millions d’années. De plus, mes pièces sont renouvelables à l’infini. J’ai réalisé un long ver cylindrique avec des croquettes pour chat : une forme archaïque, mais proche d’une image de synthèse. Composée de petites pièces en forme d’os – les croquettes contiennent du calcium –, la structure résulte d’un système que la nature aurait pu mettre en œuvre. La pièce semble se comporter comme une matière intelligente qui se régénérerait d’elle-même ; un peu à l’image de la peau. Les fourmis mangent les croquettes une par une : au galeriste ou au collectionneur de la restaurer au fur et à mesure. Le squelette en poudre animale instaure alors un véritable rapport avec son propriétaire.

À Marseille, votre peinture murale au brocoli semblait se référer à la tradition de la fresque. Votre travail entretient-il des rapports avec les techniques “classiques” ?
Oui, bien sûr, mais cela arrive tout seul. Il s’agit toujours de faire au mieux avec les propriétés d’une matière, que cela soit du marbre ou autre chose. Quand une pièce est forte, elle tire un tas de wagons derrière elle, et les références en sont un. Pour des raisons de commodité, je fabrique actuellement ma sculpture à la verticale en la posant sur une feuille que je fais tourner. Un système très proche de la sellette que j’utilisais aux Beaux-Arts pour faire du modelage.

Vous utilisez également la photographie, souvent pour réaliser des images à partir de détails d’œuvres. Pourquoi ces changements d’échelles ?
Tout se rejoint dans une idée d’univers commun. Les parcelles que je photographie sont des espaces très proches de ce que je recherche en sculpture. De même, mes pièces les plus grandes ne sont que le détail d’un ensemble plus vaste. On ne peut pas en envisager les limites, leur forme n’est pas imposée. La photographie me permet aussi de mémoriser une activité, comme la décomposition d’un noyau d’avocat jeté par la fenêtre de la cuisine. Je peux ainsi montrer ces instants de vie remarquables sans faire venir les gens dans mon jardin. À la galerie, je vais peut-être montrer la photographie d’un animal en croquettes en train d’être mangé par les fourmis. Pris de nuit, avec une pose longue, et éclairé à la lampe de poche, il semble revêtu d’un duvet. Cette sculpture velue ne peut exister que sous la forme d’une photo.

- MICHEL BLAZY, du 16 septembre au 4 novembre, Galerie Art : Concept, 34 rue Louise Weiss, 75013 Paris, tél. 01 53 60 90 30

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°110 du 8 septembre 2000, avec le titre suivant : Michel Blazy - Entre le jardin, l’atelier, et la cuisine

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