Subventions sous surveillance

La campagne présidentielle américaine cultive l’ambiguïté

Le Journal des Arts

Le 8 septembre 2000 - 564 mots

Les présidentielles américaines font peu de cas de la politique culturelle. Organismes publics en charge de la distribution des fonds culturels aux USA, le National Endowment for the Arts (NEA) et le National Endowment for the Humanities (NEH) sont loin d’être les principaux enjeux de la campagne. Républicains comme Démocrates cultivent les ambiguïtés et ménagent leur électorat.

NEW-YORK - Candidat républicain, le gouverneur du Texas, George W. Bush soutient le financement du NEA et du NEH, mais prône un plus grand contrôle de ces institutions par les États. Le gouvernement n’a pas à financer de projets obscènes ou dénigrant la religion, estime ce dernier. Jano Cabrera, porte-parole de la campagne démocrate s’oppose à cette idée : “Les Républicains ne veulent pas décentraliser ; ils veulent dissoudre. Je ne pense pas qu’une fois à la présidence, Bush tiendra tête à l’extrême droite comme le fera Al Gore.” Celui-ci partage toutefois l’avis de Bush sur la protection des valeurs familiales. “Gore comprend aussi que nous devons défendre le premier amendement. Cela n’a rien de contradictoire. Les artistes ont le droit de s’exprimer et il défend ce droit”, précise Jano Cabrera. Toutes les motions déposées au Congrès ces dernières années dans le dessein de dissoudre le NEA l’ont en effet été par le camp républicain, et Ray Sullivan, porte-parole de la campagne Bush, prend soin de déclarer que ce précédent ne saurait se répéter avec le gouverneur Bush : “Disons qu’il appartient à une autre sorte de Républicains.” Une approche modérée qui correspond à la volonté du candidat de prendre ses distances avec la droite dure du parti. “Lorsque les Républicains ont décidé de ne plus financer le NEA et le NEH, le vice-président Gore s’est opposé à eux et, en tant que président, il s’opposerait à eux de nouveau”, aime faire valoir le camp adverse.

Au final, les deux partis font peu de cas de ces sujets dans leurs programmes : aucune mention sur le NEA ou le NEH ne figure dans les déclarations des deux hommes, archivées sur leurs sites Internet respectifs. À l’image de Laura Bush, épouse du candidat républicain et militante active pour l’agrandissement du Museum of Art d’Austin (fin des travaux prévue pour 2002), l’entourage des deux hommes contraste avec ce désintérêt. Si Dick Cheney, candidat à la fonction de vice-président, ne s’est jamais réellement préoccupé de la question de l’art, son épouse, Lynne, a présidé le National Endowment for the Humanities de 1986 à 1993, au grand dam des universitaires démocrates ulcérés par sa politique conservatrice. Après avoir quitté son poste, elle est devenue très critique à l’égard du NEH et du NEA, allant jusqu’à demander la dissolution des deux agences. Elle a depuis revu ses positions, estimant que les organismes se sont améliorés malgré les coupes budgétaires imposées par le Congrès à majorité républicaine. Côté démocrate, Joe Lieberman, le candidat à la vice-présidence est lui connu pour sa condamnation de la violence au cinéma. Tipper Gore n’est pas plus permissive. L’épouse d’Al Gore a fondé dans les années quatre-vingt le Parents Music Resource Center, lobby visant à la mise en place d’un système d’évaluation de la production musicale jugée violente ou obscène. L’actuelle vice-first-lady est aussi photographe, elle a exposé ses œuvres au National Museum for Women in the Arts. “Malgré leur prise de position, les Démocrates ne fixeront jamais de limites à la liberté de l’artiste”, rassure Jano Cabrera.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°110 du 8 septembre 2000, avec le titre suivant : Subventions sous surveillance

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