Des images de légende

Réédition du texte de Voragine avec une iconographie choisie

Par Adrien Goetz · Le Journal des Arts

Le 6 octobre 2000 - 459 mots

Le somptueux et lourd coffret publié par Diane de Selliers aurait pu n’être qu’un « coffee table book » parmi tant d’autres, cadeau idéal pour Noël et les communions. À peine le livre ouvert – occasion d’acheter un vieux lutrin à un prêtre qui modernise son mobilier liturgique – la surprise et l’admiration saisissent celui qui serait naturellement méfiant devant de tels objets.

L’idée de rééditer l’ouvrage fondateur de l’iconographie religieuse occidentale, la monumentale compilation de vies de saints entreprise vers 1255 par le dominicain génois Jacques de Voragine, d’illustrer ce texte de reproductions de fresques, de panneaux peints et d’enluminures du Trecento et du Quattrocento était excellente, mais difficile à mettre en œuvre. Le subtil mélange entre des œuvres très connues (fresques d’Assise, chapelle Brancacci, cycle d’Arezzo, mais photographiés après les restaurations qui, pour Piero della Francesca, se sont achevées cette année) et un grand nombre d’autres qui n’ont jamais été aussi bien reproduites (le cycle de Sainte Ursule dans l’église de Vigo di Cadore) est une réussite. Impossible d’être exhaustif, et l’on approuve l’éditeur, responsable des choix iconographiques, d’avoir osé se faire plaisir : d’avoir privilégié Sassetta, Sano di Pietro et le Maître de l’Observance ou d’avoir choisi les Lazzaro Bastani de Brera pour la vie de saint Jérôme. Ces choix judicieux plongent le lecteur dans un véritable enchantement, l’entraînent dans la litanie de ses souvenirs de visites dans les églises et les musées d’Italie. Deux regrets, adressés à la perfectionniste qu’est Diane de Selliers : les images qui manquent à l’appel (l’iconographie du Quattrocento a-t-elle vraiment négligé  saint Second et saint Mamertin, saint Gordien, les saints Nérée et Achillée, saint Arsène abbé ?) et les coupures faites dans le texte par Teodor de Wyzewa quand il traduisit Voragine en 1902. Certes, la traduction concurrente de l’abbé Roze, qui date de 1900, était plus ennuyeuse, beaucoup moins belle (on la trouve chez Garnier Flammarion), mais elle retranscrivait les étymologies fantaisistes des noms des saints, dont rien n’assure d’ailleurs qu’elles soient de Voragine. Qu’importe que ces étymologies soient fausses ou cocasses, elles ont circulé, les artistes les ont connues (la ville qui se trouve derrière le Saint Sébastien de Mantegna, ou à l’arrière-plan des panneaux de Giovanni del Biondo reproduits dans le livre, peut s’expliquer, par exemple, par le mot grec astu cité dans les étymologies de La Légende dorée). Dans une édition illustrée, ces étymologies auraient pu trouver leur place, fût-ce en notes de bas de page.

- Jacques de Voragine, La Légende dorée, traduction de Teodor de Wyzewa, postface de Franco Cardini, 2 vol. sous coffret, 680 p., iconographie réunie par Diane de Selliers, Richard Medioni et Joséphine Barbereau, Diane de Selliers éditeur, ISBN 2-903656-25-8, 1 600 F jusqu’au 31 janvier 2001, 1 980 F ensuite.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°112 du 6 octobre 2000, avec le titre suivant : Des images de légende

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