Rex maximus

Un hôtel du XVIIIe menacé par l’extension d’un cinéma

Le Journal des Arts

Le 20 octobre 2000 - 643 mots

Désireux de grandir, le cinéma le Rex, à Paris, a jeté son dévolu sur une parcelle voisine et sur l’hôtel particulier du XVIIIe siècle qui s’y dresse. Ce projet considérable menace sérieusement l’intégrité du monument, dont la protection au titre des monuments historiques a été plusieurs fois retardée.

PARIS - La nouvelle a paru en brève dans plusieurs quotidiens cet été : le cinéma le Rex, sur les Grands Boulevards à Paris, annonçait son intention d’accroître sa capacité d’accueil en créant de nouvelles salles. De 4 195 places, le nombre de places doit en effet passer à près de 5 000. En vue de cet agrandissement, une promesse de vente a été signée pour la parcelle située derrière le Rex, entre la rue du Sentier et la rue Poissonnière. Un seul problème : sur cette parcelle s’élève un bel hôtel particulier du XVIIIe siècle. Bien sûr, il ne s’agit pas de le détruire pour élever un multiplexe. Mais le projet de l’architecte Alberto Cattani, dont nous avons pu avoir connaissance, laisse perplexe : doivent être créées une nouvelle salle sous l’hôtel, deux sous la cour, deux sous le jardin, le tout coiffant six niveaux de parkings ! Surtout deux grandes salles seront construites en surface, dans le jardin, et l’espace les séparant de la façade de l’hôtel sera couvert d’une verrière, sous laquelle les spectateurs attendront avant la séance. Un certificat d’urbanisme a été déposé le 10 août dernier (n° 751020030083) et la Commission départementale des équipements commerciaux (CDEC) examine actuellement le projet.

“L’apparition des multiplexes nous oblige à réagir”, plaide Philippe Hellmann, directeur de la société du Grand Rex. Il n’a d’ailleurs pas attendu leur développement, puisque la réflexion sur l’extension du Rex, qu’il juge vitale, a débuté en 1994. Au-delà des aspects économiques, il estime que son projet “redonne son intégrité à la façade sur cour”, en supprimant les bâtiments adventices du XIXe siècle. Mais, “si on fait son devoir d’un côté, il faut le faire de l’autre”, considère Michel Fleury, qui fait savoir que la Commission du Vieux Paris, dont il est le vice-président, est fermement “opposée aux couvertures de cours par des verrières. Ce serait revenir aux erreurs du XIXe, qui ont dénaturé le Marais”. Il nous a par ailleurs signalé l’existence d’un autre acquéreur potentiel, dont le projet n’hypothèquerait pas l’avenir.

En avril dernier, la Commission a émis un vœu en faveur de l’inscription à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques. Car paradoxalement, le Rex, pourtant postérieur de deux siècles, est inscrit depuis 1981, alors que l’hôtel ne l’est pas. Considéré par quelques fonctionnaires atteints de cécité comme un pastiche du XIXe siècle, il n’a fait l’objet d’aucune protection. Il s’agit pourtant d’un hôtel particulier du XVIIIe, construit pour un dénommé Rivié vers 1730. Quant à la remarquable sculpture décorative, elle est due au ciseau de Nicolas Pineau. Aujourd’hui, le principe de son inscription à l’Inventaire paraît acquis, mais sa mise à l’ordre du jour de la Commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS) a été deux fois repoussée, pour laisser la place à des bâtiments dont l’existence ne semble pas vraiment menacée comme le siège de l’Unesco ou la cité de la Muette à Drancy.

Si l’on dépasse la question patrimoniale, le Rex, en portant sa capacité de sept à quatorze salles, créerait de fait un multiplexe, en contradiction avec la politique municipale en la matière. Le 15 septembre 1998, se déclarant “conscient de la concurrence qu’ils peuvent créer pour les salles traditionnelles”, Jean Tibéri ne souhaitait pas “de nouvelles créations de multiplexes sur le territoire parisien durant les trois années à venir”. Si le CDEC donnait son accord, le maire aurait toujours la possibilité de refuser l’octroi du permis de construire. À moins que la municipalité, qui souhaite rétablir la circulation à double sens sur les Grands Boulevards, ne trouve intérêt à la création de parkings...

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°113 du 20 octobre 2000, avec le titre suivant : Rex maximus

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