Art moderne

Courbet, retour aux sources

\"Pour peindre un pays, il faut le connaître\"

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 20 octobre 2000 - 634 mots

D’un Après-midi à Ornans aux paysages des dernières années, la Franche-Comté parcourt l’œuvre de Gustave Courbet. Le Musée des beaux-arts de Besançon rend compte de ces racines régionales en rassemblant une cinquantaine de toiles du maître, aux côtés de peintures de ses contemporains et de nombreux documents. Occasion d’un retour aux sources de la Loue, de la peinture moderne, mais aussi de l’ethnologie.

BESANÇON - Le Chêne de Flagey est un coup de plus porté par Courbet au Second Empire. N’en déplaise à Napoléon III qui imposa Alise-Sainte-Reine en Bourgogne comme site officiel de la célèbre défaite gauloise, la Franche-Comté est une terre celte. Sous-titrée le “Chêne de Vercingétorix, camp de César près d’Alésia, Franche-Comté”, la toile en est une preuve irréfutable, allégorie de l’artiste en champion du régionalisme. Exposé en 1867 au rond-point de l’Alma, le chef-d’œuvre replante l’histoire gauloise dans le paysage du Doubs. À l’image de l’exposition du Musée des beaux-arts de Besançon qui relie le maître du Réalisme à ses racines franc-comtoises, sujets de prédilection de l’artiste : “Pour peindre un pays, il faut le connaître. Moi je connais mon pays, je le peins. Ces sous-bois, c’est chez nous ; cette rivière, c’est la Loue, celle-ci c’est le Lison ; ces rochers, ce sont ceux d’Ornans et du Puits Noir. Allez-y voir, vous reconnaîtrez tous mes tableaux.” Côte à côte la Grotte de La Loue et La Source de la Loue, respectivement prêtées par la Galerie nationale de Washington et le Metropolitan de New York, pourraient en apporter la preuve à n’importe quel “enfant du pays”. Elles n’en restent pas moins des jalons dans la manière cimentée du peintre, témoins de son utilisation du couteau au tournant des années 1860. Présenté dans la première salle, Un après-midi à Ornans témoigne lui de la vie paysanne locale. Il est aussi la première grande œuvre de maturité du peintre et le témoin de son inclination pour les maîtres hollandais.

Au-delà de la Franche-Comté
Courbet “et les siens”, “et ses amis à Paris”… La division thématique de l’exposition prend soin de ne pas mélanger les choses. Les toiles de Marcel Ordinaire, Antonin Fanart ou Camille Demesmay, collaborateurs et suiveurs, ne se mêlent pas à la cinquantaine d’œuvres du maître. Pas plus que Le Chasseur allemand ne figure dans la salle consacrée à l’Exposition universelle de Besançon de 1860, lors de laquelle il fut présenté. Dans ce petit espace se côtoient produits de l’horlogerie et œuvres, tel le Saint Jérôme de Théodore-Didier Delamare. Un peu plus loin, une sélection d’objets populaires – châle, lanterne de saint sacrement, etc. – constitue un témoignage de la Franche-Comté du XIXe siècle. Cette irruption des arts et traditions populaires introduit le propos le plus novateur de l’exposition : Courbet et la naissance de l’ethnographie. À l’instar de l’implication du “peintre ouvrier” dans le mouvement fouriériste originaire de la région, la participation de Courbet dans le mouvement folkloriste naissant est avant tout histoire d’amitiés et de connaissances. Rien ne peut rapprocher les toiles de Courbet de relevés ethnographiques. Le réalisme est toujours relatif, en témoignent les paysages composés par le peintre lors de son exil en Suisse. “Il ne s’agit pas de montrer Courbet comme un illustrateur de la Franche-Comté”, tient à préciser Marie-Hélène Lavallée, conservatrice du musée et commissaire de l’exposition. La nuance est suffisamment appuyée. En conclusion sont exposées Les Demoiselles des bords de Seine, La Vague et La Trombe, Étretat, sous un titre à la hauteur du génie : Au-“delà de la Franche-Comté… Courbet l’universel”.

- GUSTAVE COURBET ET LA FRANCHE-COMTÉ, jusqu’au 31 décembre, Musée des beaux-arts et d’archéologie de Besançon, 1 place de la Révolution, 25000 Besançon, tél. 03 81 87 80 49, tlj sauf mardi, 9h30-12h30, 14h-18h, le jeudi jusqu’à 20h et 9h30-18h le week-end, catalogue, éd. Somogy, 190 p., 195 F, ISBN 2-85056-412-5

Courbet en privé

Loin de l’engagement politique qui embrase les grandes machines de Courbet, le Musée Gustave-Courbet d’Ornans propose une sélection de quarante toiles du peintre issues de collections privées. Paysages, scènes de genre ou peintures animalières sont déployés dans la maison natale du peintre. Une façon de reconsidérer une production parfois qualifiée d’alimentaire, mais aussi mue par le souci constant du peintre de satisfaire ses contemporains.
- Musée Gustave-Courbet, 1 place Robert-Fernier, Ornans, tél. 03 81 62 23 30, tlj 10h-12h, 14h-18h.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°113 du 20 octobre 2000, avec le titre suivant : Courbet, retour aux sources

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