Naples, Rome, Venise...

Lyon dévoile le Settecento dans les musées français

Le Journal des Arts

Le 20 octobre 2000 - 677 mots

Si chaque exposition importante suscite invariablement son lot de superlatifs, la présentation à Lyon, avant Lille, de 120 tableaux italiens du XVIIIe siècle, conservés dans les musées de province, les mérite incontestablement. Au-delà de la vue d’ensemble des collections françaises, « Settecento » offre un panorama exceptionnel de la peinture en Italie à cette époque, qui a vu éclore de nombreux artistes de génie : Tiepolo et les védutistes bien sûr, mais aussi les Napolitains Solimena et Traversi, le Génois Magnasco, le Bolonais Crespi, ainsi que les Romains Batoni, Trevisiani et Panini.

LYON - Émancipée dans la seconde moitié du XVIIe siècle de la tutelle italienne, la France du XVIIIe, imbue de la supériorité de ses peintres, a vécu dans une relative ignorance de l’art transalpin contemporain. Dans une lettre de juin 1751 adressée à Caylus, Charles-Nicolas Cochin portait un jugement fort peu amène sur Batoni et consorts, ne sauvant de l’opprobre que Piazzetta et Tiepolo, “supérieurs à tous les autres peintres d’Italie”. Aujourd’hui, la perception du Settecento n’a guère évolué, résumant la peinture de la péninsule à l’école vénitienne. Les musées de France sont pourtant riches d’œuvres napolitaines ou romaines, bolonaises ou liguriennes de premier plan : l’exposition de Lyon en administre la preuve éclatante en réunissant 120 tableaux venus de 44 musées de région (plus trois parisiens) et de deux églises.

D’abord faut-il peut-être s’entendre sur l’expression “peinture italienne du XVIIIe siècle”, que Pierre Rosenberg juge tout simplement “obsolète et sans grande portée”. Aussi bien la variété des écoles, que celle des talents qui s’y côtoient, semblent lui donner raison. De même, l’accrochage intelligent souligne cette diversité inhérente à chaque foyer : le rapprochement sur des cimaises voisines du néo-caravagisme expressionniste de Giuseppe Maria Crespi et du classicisme orthodoxe pratiqué par Donato Creti, tous les deux actifs à Bologne, est assez éloquent. Toutefois, les commissaires ont alterné regroupement par écoles et par genres, favorisant les rencontres ; les vedute et paysages de la première salle confrontent par exemple Romains et Vénitiens : Panini et Canaletto, Van Bloemen – joliment surnommé l’Orrizonte – et Guardi, Van Wittel et Bellotto. L’exposition est riche par ailleurs de découvertes comme cette Suzanne et les vieillards attribuée à un membre de la famille Piola, Paolo Gerolamo, La Conversion de Saül de Francesco Trevisiani, ou encore les scènes populaires de Cipper. Et puis, après cette manifestation, il ne sera plus possible d’ignorer un artiste de la trempe de Gaspare Traversi, dont les scènes de genre peignant la comédie sociale se distinguent par une incroyable acuité psychologique.

Si l’une des ambitions de l’exposition, nous avait expliqué Arnauld Brejon de Lavergnée (lire le JdA n° 109, 26 août 2000), est de corriger une “vision un peu paresseuse” du Settecento réduite à Venise, l’école vénitienne n’en constitue pas moins un temps fort du parcours. Quoique les toiles de Giambattista Tiepolo réunies ici ne suffisent pas à rendre compte de l’extraordinaire fécondité de son génie, sa patrie est représentée par d’authentiques chefs-d’œuvre. À commencer par l’atmosphère inquiète et surnaturelle du Saint André sur la croix de Bencovich, redécouvert dans l’église de Senonches (Eure-et-Loir) ou Éliezer et Rébecca de Pittoni, sans oublier Les Ruines du faubourg de Pirna près de Dresde, un tableau de Bellotto qui, à son corps défendant, évoque les images de Dresde en 1945. Ne manque à l’appel que Le Souper à Emmaüs de Gian Antonio Guardi, exhumé dans l’église des Andelys et toujours en restauration ; il ne sera présenté qu’à Lille.

Enfin, les ouvrages en français consacrés à cette période de l’art italien sont suffisamment rares pour que l’intérêt du catalogue soit remarqué, avec des contributions de Maria Teresa Caracciolo, Pierre Rosenberg, Édouard Pommier, Stéphane Loire, et une étude roborative de Pierre Curie sur la peinture du Settecento dans les églises de France.

- SETTECENTO. LE SIÈCLE DE TIEPOLO DANS LES COLLECTIONS FRANÇAISES, 5 octobre-7 janvier au Musée des beaux-arts, 20 place des Terreaux, 69001 Lyon, tél. 04 72 10 17 40, tlj sauf mardi 10h30-18h. Catalogue, RMN, 288 p., 240 F. Puis Lille, Palais des beaux-arts, 26 janvier-30 avril 2001.

Sous un titre sensiblement identique, la mairie du Ve arrondissement, à Paris, présente plus de soixante-dix tableaux (mal éclairés) des collections du palais Barberini, illustrant la richesse de la peinture au XVIIIe siècle, et plus particulièrement à Rome. À cette époque, en effet, toute l’Europe se donne rendez-vous dans la cité papale : Allemands et Autrichiens (Mengs, Anton von Maron, Angelica Kauffman), Français (Boucher, Fragonard, Hubert Robert), et... Italiens, tel le Lucquois Batoni. À l’instar de ce dernier, nombreux sont ceux qui choisissent d’y faire carrière ; Pierre Subleyras est de ceux-là. Son sublime Nu féminin, quelque part entre Vélasquez et Manet, justifie à lui seul le déplacement.
- Et aussi SETTECENTO : L’EUROPE À ROME, jusqu’au 13 décembre, Mairie du Ve arrondissement, 21 place du Panthéon, 75005 Paris, tél. 01 55 43 10 50, tlj 10h-17h45, dimanche et jours fériés 14h-18h45. Catalogue De Luca.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°113 du 20 octobre 2000, avec le titre suivant : Naples, Rome, Venise...

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