La loi du sol

Nouveaux remous à Toulon

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 20 octobre 2000 - 633 mots

Après l’annulation de l’exposition “Ici le monde, à vous Toulon”? de Gloria Friedmann, un nouveau conflit met aux prises l’Hôtel des arts de Toulon, dirigé par Sophie Biass-Fabiani, et son bailleur de fonds, le conseil général du Var, présidé par Hubert Falco (DL).

TOULON - C’est après consultation des catalogues d’exposition de Gloria Friedmann, que le conseil général a fait part, par courrier, à Sophie Biass-Fabiani, directrice de l’Hôtel des arts de Toulon, d’“un certain nombre de réactions négatives” des élus, et en premier lieu de celui du président de la collectivité locale, Hubert Falco (DL). Celui-ci dit craindre que l’exposition de l’artiste, prévue pour décembre, ne “soit en décalage avec les attentes du public”. Contactée par Sophie Biass-Fabiani au mois de juin, Gloria Friedmann avait entamé son travail cet été et prévoyait, entre autres, de dresser sur le boulevard de Strasbourg, artère principale de la ville, un arbre orné des drapeaux du monde et de guirlandes faites d’ossements animaux. Avertie, l’artiste a dénoncé une “censure”. Elle ne peut comprendre “pourquoi on ne pourrait pas exposer de l’art contemporain à Toulon comme ailleurs”. Hubert Falco a lui déclaré “assumer totalement” sa décision, estimant que l’Hôtel des arts “dépend du conseil général et doit donc se soumettre aux décisions”. “La culture doit être ouverte au plus grand nombre, je ne pense pas que cette exposition aurait atteint cet objectif”, a ajouté ce dernier, candidat au fauteuil de maire occupé aujourd’hui par Jean-Marie Le Chevallier (ex-FN). Le Parti socialiste a, quant à lui, rappelé dans un communiqué son “attachement à l’autonomie des directeurs d’institutions culturelles ainsi qu’au respect du travail des créateurs et du droit à la diffusion de leurs œuvres, dont le public est parfaitement à même d’apprécier la valeur”.
Gloria Friedmann préfère aujourd’hui rester en dehors de ces oppositions : “Je suis invitée par la directrice du centre d’art et je ne vois pas pourquoi un politique intervient. J’ai pris un avocat et demande des dédommagements pour le travail déjà accompli. Je défends mes droits d’artiste. Ce qui m’importe avant tout, c’est qu’une affaire comparable ne se renouvelle pas. Je défends l’art. Le reste, et la tournure prise par cette affaire, me dépasse.” Pareille réserve ne surprend pas face au torrent démagogique déversé par les élus locaux, d’une rive à l’autre. Jusqu’au maire communiste de La Garde, ville voisine de Toulon qui, cité dans le quotidien Var Matin, apporte son soutien à Hubert Falco, en “accord avec (sa) position sur ce que l’on veut nous présenter comme de l’art moderne.”

Décisions difficiles
Sur le plan national, le ministère de la Culture a menacé de retirer une subvention de 100 000 F, accordée pour la rénovation du bâtiment. Projet qui semble par ailleurs tombé aux oubliettes. Par l’intermédiaire de la Délégation aux arts plastiques (Dap), la rue de Valois a fait part de son “entier soutien” à l’artiste, et a indiqué que l’exposition sera présentée comme prévue à Annecy et Weimar qui coproduisaient la manifestation avec Toulon, ainsi que dans un troisième lieu encore indéfini. Décidée à laisser un trou de quatre mois dans sa programmation, Sophie Biass-Fabiani, dont le contrat expire en septembre 2001, se retrouve une fois de plus (lire le JdA n° 94,  3 décembre 1999) en conflit avec son employeur. Les artistes invités pour 2001 aussi. Le photographe Bernard Plossu a choisi de refuser l’invitation qui lui avait été lancée pour 2001. Le peintre Jean-Paul Marcheschi, choqué par l’accueil réservé à Gloria Friedmann, et par l’atteinte à l’“indépendance morale d’une directrice de centre d’art”, a envoyé une lettre de protestation au conseil général. Après consultation juridique auprès de la Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (Adagp), il a décidé néanmoins de ne pas annuler son exposition qui “devrait, ou aurait dû avoir lieu, de juin à septembre 2001”.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°113 du 20 octobre 2000, avec le titre suivant : La loi du sol

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