Clair comme du Crystal ?

À Reims, l’exposition lunaire d’Uri Tzaig

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 3 novembre 2000 - 459 mots

Biennale de Venise, Documenta X de Cassel, Manifesta 1 à Rotterdam, peu de grandes expositions internationales ont échappé au jeune Uri Tzaig. À trente-cinq ans, l’Israélien revient en France – après Montpellier et Valenciennes – pour une importante monographie. L’artiste y dévoile des travaux inédits qui semblent annoncer une nouvelle orientation dans ses recherches.

REIMS - “Pourquoi ne pas construire votre maison selon vos rêves, vos désirs et selon votre propre perception de l’espace ?” Uri Tzaig pose la question et répond à Reims par un ensemble de propositions à la charge souvent métaphorique, ou offrant des commencements de construction, comme sa Moon Terrace, véritable espace lunaire d’habitation. L’artiste nous avait plutôt habitués à communiquer ses réflexions par l’intermédiaire de vidéos dans lesquelles il explorait la dualité du monde, la gémellité des formes et des contenus, poussant même le vice jusqu’à faire intervenir, dans ses films ou performances, de véritables jumeaux en chair et en os. Tout en ne souhaitant pas nécessairement s’extraire des lignes de fuite, Tzaig privilégie, au rez-de-chaussée du “Collège”, une déclinaison de formes arrondies, de jeux sur le cercle, qui, sans mauvais jeu de mots, définissent une nouvelle sphère dans son travail. Ces pièces alimentent en effet une cosmogonie individuelle, fontaine double contenant de l’eau de la mer Morte (Eye Fountain), billes sur un tapis orange (Train carpet) ou mur constitué d’orangers couverts de leurs fruits (Orange window). Ces éléments viennent délimiter un territoire à la fois ancré dans le réel et puisant sa vigueur dans une mise en situation du fantastique, comme en témoignent ses références répétées à la lune et à l’énergie qu’elle induit. Le titre de l’exposition, “Moonstruck” (“Coup de lune” ou être “dans la lune”), semble ainsi dissiper les ambiguïtés, tout en dispensant paradoxalement une charge de mystère. Des peintures murales, aplats de couleur successivement bleu, marron et bleu ciel, renvoyant à la mer, à la terre et au ciel, poursuivent ainsi une exploration d’un espace abstrait et générique. L’ensemble de ces pièces prolongent directement la vidéo Crystal réalisée en 1999 et qui mettait déjà en place, en deux dimensions, une partie de ce langage formel. Plusieurs des motifs ici présentés apparaissent d’ailleurs dans sa pièce animée, même si les caractères de cette filiation sont mis en évidence surtout au niveau des thèmes abordés : gémellité, genèse, horizon et territoire.

Au premier étage de l’espace du Frac sont présentées sur moniteur un ensemble de vidéos plus anciennes dans lesquelles l’artiste, se plaçant sur le terrain du sport, en déjoue les règles. Ici encore, au propre comme au figuré, Uri Tzaig brouille les cartes et nous prend à contre-pied.

- URI TZAIG, jusqu’au 19 novembre, Frac Champagne-Ardenne, 1 place Museux, 51100 Reims, tél. 03 26 05 78 32, tlj sauf lundi 14h-18h

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°114 du 3 novembre 2000, avec le titre suivant : Clair comme du Crystal ?

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