Entretien

Alex Nogueras, codirecteur de la galerie Nogueras-Blanchard à Barcelone

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 27 février 2008 - 733 mots

« Barcelone a une vie artistique plutôt locale ».

La galerie Nogueras-Blanchard a été créée en 2004 à Barcelone par Alex Nogueras et Rebecca Blanchard.

Le contexte aussi bien artistique que commercial est-il différent entre Barcelone et Madrid ?
Du point de vue de Madrid, on pense toujours que Barcelone est la périphérie de l’art. Autrefois, nous avions à Barcelone des institutions comme La Caixa, qui faisaient des expositions d’art contemporain. Sous la direction de Manuel Borja-Villel, la Fondation Tàpies organisait des rétrospectives d’artistes fondamentaux comme Robert Motherwell, Ana Mendieta ou Picabia. Borja-Villel a ensuite dirigé avec brio le Macba [Musée d’art contemporain de Barcelone]. À cette époque, on disait que les institutions se trouvaient à Barcelone et les galeries à Madrid. Mais il me semble que la balance penche aujourd’hui en faveur de Madrid. Borja a été nommé à la tête du Musée national Reina-Sofía, la Fondation Tàpies a pris un chemin particulier avec des expositions très documentaires, qui se ressemblent toutes beaucoup et avec des artistes qui ne sont peut-être pas fondamentaux. Le centre d’art Metrònom, créé par le collectionneur Rafael Tous, a fermé ses portes il y a environ deux ans. Côté galeries, citons Joan Prats, essentiel pour la vie culturelle de Barcelone ; ensuite figurent des enseignes fonctionnant sur le plan local. Barcelone a une vie artistique, mais plutôt restreinte et locale.

Cette situation n’est-elle pas problématique pour une galerie comme la vôtre ?
Pas du tout ! Il est plus facile de capter l’attention, car précisément il n’y a pas d’offre très importante à côté. En étant en périphérie, nous pouvons montrer plus aisément des artistes comme Leandro Erlich ou Haluk Akakçe, que nous n’aurions pas si nous étions à Paris. La seule chose qui me dérange, c’est le manque de jeunes galeries. Depuis que nous avons ouvert, nous n’avons pas vu arriver de nouvelles structures, ou alors elles ont fermé très vite. Il n’y a pas non plus à Barcelone d’espaces gérés par des artistes comme on peut en voir à New York ou Berlin.

Pensez-vous qu’il y ait un manque de reconnaissance des artistes espagnols à l’étranger ?
Oui, car certains artistes bénéficient de bourses en Espagne, sont soutenus par l’État, et du coup ne luttent pas pour s’imposer. On a toujours eu de grands exemples d’artistes espagnols, avec Picasso et Miró, mais ensuite seulement un ou deux ont réussi à sortir comme Juan Muñoz ou Santiago Sierra. Le problème, c’est que les artistes et les commissaires espagnols ne parlent pas tous anglais et ne voyagent pas assez. Or il est important que les artistes voyagent très vite après leurs études, qu’ils comprennent comment fonctionnent les musées et les galeries. Ce d’autant plus que, dans les écoles d’art, on leur a présenté pendant longtemps les galeries comme la mauvaise part de l’histoire. Il y a encore cette idée que les galeries sont des boutiques, mais peut-être parce qu’à Barcelone on compte au maximum dix galeries qui représentent vraiment des artistes.

Le marché local est-il fort en Espagne ?
Oui, spécialement à Madrid. Mais c’est un marché encore nationaliste, très focalisé sur les artistes espagnols. C’est la raison pour laquelle nous faisons 90 % de notre chiffre d’affaires à l’étranger. À Barcelone, nous vendons à trois bons collectionneurs, mais la plupart des gens achètent ici pour décorer leurs appartements. Toutes les galeries espagnoles ne sont pas dans notre cas. La plupart d’entre elles vendent principalement à leur réseau local.

Vous représentez trois artistes français, Marine Hugonnier, Annelise Coste et François-Xavier Courrèges. Cette francophilie est-elle volontaire ?
Non, il n’y a pas de stratégie derrière ces choix. C’est lié simplement au hasard.

Vous participerez cette année avec Wilfredo Prieto à la section « Art Statements » de la Foire de Bâle. Qu’est-ce qu’une telle participation signifie, et pour vous et pour l’artiste ?
C’est un point d’inflexion important dans la carrière aussi bien d’un artiste que d’une galerie, car tous les curateurs, collectionneurs et directeurs de musée viennent à Bâle. Pour nous, c’est une fierté d’être la seconde galerie de Barcelone, derrière Joan Prats, à être présente sur cette foire. Le projet de Wilfredo s’appelle « One ». Il s’agit d’un sol jonché de diamants en verre. Juste avant le vernissage, l’artiste va jeter un vrai diamant au milieu des morceaux de verre. Un visiteur qui entrera sur le stand pourra peut-être repartir avec un vrai diamant collé à sa chaussure. C’est une loterie.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°276 du 29 février 2008, avec le titre suivant : Alex Nogueras, codirecteur de la galerie Nogueras-Blanchard à Barcelone

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