Musée

Genève

Musée cherche 40 millions

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 27 février 2008 - 766 mots

Le Musée d’art et d’histoire a fermé ses portes en catastrophe. La chute d’un boulon de la verrière du Grand Palais avait été à l’origine de la fermeture brutale de l’établissement parisien en 1993.

GENÈVE - Le Musée d’art et d’histoire de Genève a connu un sort similaire avec l’effondrement le 31 août 2007 d’un large pan de la corniche du plafond de la salle Baszanger, manquant de blesser les visiteurs et d’endommager les tableaux anciens. Depuis, l’intégralité du département des beaux-arts, soit l’étage supérieur du musée, a été fermée au public, ce jusqu’à la fin du mois d’avril, le temps d’effectuer les réparations. Cet incident n’est malheureusement qu’un symptôme de l’état de ce musée quasi centenaire qui n’a jamais fait l’objet d’une campagne majeure de rénovation : façades noircies, sculptures décoratives érodées, installations techniques vétustes, importantes fissures structurelles, réserves engorgées...

Si le conseil administratif de la Ville de Genève – le pouvoir exécutif de la municipalité – a lancé un concours d’architecture en 1998, le projet gagnant de Jean Nouvel n’a jamais vu le jour, faute de moyens. Estimé à 80 millions de francs suisses (50 millions d’euros), le réaménagement du bâtiment imaginé par l’architecte français est principalement axé sur la cour intérieure, où viendrait se glisser un cube de verre de trois étages. Sur ces 3 800 mètres carrés de surface supplémentaire se déploieraient un auditorium au rez-de-chaussée, des espaces d’exposition pour les collections à l’étage, et, sur le toit, un restaurant panoramique avec vue sur le lac Léman, la vieille ville et les montagnes. Jean Nouvel souhaitait restituer « sa beauté initiale » et « son charme proustien » au bâtiment, conçu en 1910 par l’architecte Marc Camoletti pour rivaliser avec le Petit Palais à Paris. Pour Cäsar Menz, directeur des lieux, il s’agit avant tout de valoriser les collections d’archéologie, des beaux-arts et d’arts appliqués, d’avoir la possibilité d’exposer quelques-uns des huit cents instruments de musiques aujourd’hui condamnés aux réserves, voire d’intégrer le Musée de l’horlogerie.

Aujourd’hui, devant l’urgence de la situation, ce projet pourrait resurgir grâce à la Fondation pour l’agrandissement du Musée, constituée en novembre 2006, présidée par le député libéral genevois Renaud Gautier, et où siège Cäsar Menz. Le conseil municipal – le pouvoir législatif de la municipalité – s’est engagé à défendre le dossier pour l’obtention d’un crédit d’études de faisabilité du projet à hauteur de 3,6 millions de francs suisses (2,2 millions d’euros), à condition toutefois que la Fondation réussisse à lever 40 millions de francs suisses (25 millions d’euros) d’ici à la fin de l’année. Si le projet est adopté, la Ville apportera alors les 40 millions restants. Dans le cas contraire, elle se contentera de financer les travaux de rénovation, et l’idée d’un agrandissement sera abandonnée. Cette formule de partenariat entre le public et le privé semble avoir fait son chemin auprès des mécènes, et Cäsar Menz se dit confiant. Or le directeur insiste sur la nécessité d’une implication de tous les résidents genevois, et il aspire à une mobilisation citoyenne pour éviter que « les riches ne s’approprient le projet ». Actuellement, le musée profite de l’exposition « Patrimoine en danger », où figurent quatre-vingts des plus beaux tableaux de la collection permanente, pour présenter le projet aux visiteurs ; une souscription publique est parallèlement sur le point d’être lancée.

« Brique par brique »
Derrière cet appel à la population se niche la crainte d’un éventuel référendum, pratique démocratique courante dans la Confédération permettant aux électeurs de s’opposer à une décision du conseil municipal. Et à juste titre. Le 15 février, la branche genevoise de Patrimoine suisse (Heimatschutz), une association composée d’architectes et d’historiens de l’art, a fait part de son opposition au projet d’agrandissement. En ligne de mire, le restaurant panoramique qui, en dépassant de la toiture, dénaturerait ce bâtiment classé. La perte de luminosité causée par l’occupation de la cour intérieure est également source d’inquiétude.

À ce jour, la Fondation a reçu plusieurs promesses de dons généreux, provenant de banques, de fondations culturelles, d’entreprises internationales installées à Genève mais aussi de particuliers. La mission de levée des fonds bénéficie de l’appui d’un comité d’honneur formé des collectionneurs Jean Paul Barbier-Mueller et Jean Bonna. Cäsar Menz ne recule pas devant l’idée d’un mur d’honneur citant tous ces mécènes. Il imagine même baptiser des salles à la manière des institutions américaines : « Je veux vendre ce musée étage par étage, salle par salle et brique par brique », résume-t-il, et ce avec l’aval des autorités genevoises. Une manœuvre somme toute logique pour ce musée qui fut créé à l’initiative de personnalités privées.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°276 du 29 février 2008, avec le titre suivant : Musée cherche 40 millions

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