Surréel, n’est-il pas ?

Surréalistes et modernes attendus à Londres et Paris

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 1 décembre 2000 - 975 mots

Aux toiles surréalistes vedettes des ventes du mois de décembre, le 4 à Londres chez Sotheby’s et le 15 décembre à Paris chez Briest (ensemble Roberto Matta) viendront s’ajouter des œuvres de Degas, Matisse, Renoir et Picasso... D’autres peintures et sculptures modernes compléteront cet ensemble à l’hôtel George-V le 21 décembre sous le marteau de Jacques Tajan, le 19 décembre sous celui de Me Millon à Drouot-Montaigne et le 13 décembre sous l’égide de Marc Ferri à Drouot-Richelieu.

LONDRES et PARIS - “Si vous aimez l’amour, vous aimerez le Surréalisme”, déclarait André Breton en 1924. Cet aphorisme est toujours d’actualité soixante-seize ans après qu’il eut été prononcé. Le succès rencontré par l’exposition d’œuvres de Magritte, Dalí, Tanguy, Delvaux et Ernst, chez Sotheby’s à la galerie Charpentier à la mi-novembre, témoigne de l’engouement que cette peinture continue de susciter auprès des collectionneurs. Ces tableaux, estimés 12 millions de livres (137 millions de francs), seront dispersés le 4 décembre à Londres. Parmi eux figurent plusieurs hommages au beau sexe dont Le Bois sacré de Delvaux montrant une femme immobile et distante qui semble se déplacer comme dans un rêve (1,5-2 millions de livres sterling), une Vénus restaurée de Man Ray entourée de cordes (35 000-45 000 livres) et une huile de Max Ernst, La Fuite, figurant sa compagne Léonora, vêtue d’une longue robe rouge. On remarquera aussi une huile de Salvador Dalí, Ma femme nue regardant son propre corps devenir marches, trois vertèbres d’une colonne, ciel et architecture (2,7-3,5 millions de livres) et deux toiles de Magritte, Ceci est un morceau de fromage (150-200 000 livres sterling) et Souvenirs de Voyage où le peintre s’approprie la culture populaire en utilisant des cartes postales, brochures et peintures (400-600 000 livres sterling). Christie’s attendra le 5 février 2001 pour célébrer à son tour les surréalistes. Sa vente, organisée à Londres, comprendra des œuvres de Magritte, Dalí, Ernst et Delvaux. Un mois et demi après la vente Matarasso qui a confirmé, à Paris, l’engouement du marché pour les tableaux surréalistes avec de fortes enchères pour des huiles de René Magritte (1 million de francs pour L’Échelle du feu) et de Valentine Hugo (1,9 million de francs pour Le Portrait des poètes surréalistes) et dix-huit mois après les 12 millions de francs obtenus par une toile de 1925 de Miró, Sable, Francis Briest présentera à nouveau, le 15 décembre, des œuvres de ce courant dont un bel ensemble de Roberto Matta. “Ce qu’il recherche, ce ne sont pas simplement des formes nouvelles, mais des formes signifiantes, a écrit Alain Sayag (conservateur au Mnam) à propos des dessins de Matta. Il veut rendre perceptible une réalité invisible, celle des formes que l’on ne connaît pas : le foie ou le cœur d’un papillon, les vibrations des ailes des mouches.

Le mot Surréalisme ne signifie pas plus de réalité... Le dessin ‘décape la trivialité’ du monde des apparences pour atteindre à la vérité du monde.” Les œuvres présentées – mines de plomb, crayons de couleurs, pastels –, rares sur le marché français, sont estimées entre 220 000 et 450 000 francs. À cet ensemble s’ajoutent des pièces plus classiques provenant de diverses collections dont un grand fusain et pastel de Degas (90,5 x 78,5 cm), La Sortie du bain, des années 1895-1898 (2-2,2 millions de francs) un lavis et encre de Chine de Picasso de 1967, Tête de mousquetaire (1,8-2 millions de francs). Il s’agirait, selon Marie-Laure Bernadac, auteur du Dernier Picasso, 1953-1973, d’un retour de l’artiste à ses premières marottes, les hommes travestis qu’étaient les arlequins, pierrots et autres acrobates de ses premières périodes. À noter aussi une huile de Renoir de 1908, Les Néfliers, Cagnes, qui serait une des premières œuvres exécutées dans la propriété, le domaine des Collettes, que l’artiste a acquise en 1907 (4-5 millions de francs) et une gouache, pastel et encre de Chine de Chagall, Nu allongé (1,7-1,9 million de francs) reprenant le vocabulaire symbolique du peintre avec ses animaux favoris – âne, coq, poisson –, située à Vitebsk et exécutée dans une palette réduite associant verts, rouges et jaunes.

Un portrait du fils Cézanne
Les Tajan proposeront, à leur tour, le 21 décembre à l’hôtel George-V un Chagall (35 x 28 cm), tempera sur toile, également situé à Vitebsk réunissant un couple d’amoureux en apesanteur et un violoniste (400-600 000 francs). Mais c’est un Cézanne qui sera, sans nul doute, un des temps forts de la vente. La Tête du petit Paul (29 x 32 cm), une des premières représentations connues du fils de l’artiste, date des années 1879-1882 (2 millions de francs). Elle marque le début d’une série de toiles prenant pour sujet Paul et exécutées dans les années 1883-1885. Né en 1872, l’unique fils du peintre, fruit de ses amours avec Hortense Fiquet, fut caché à ses grands-parents paternels jusqu’à ce que Cézanne convole en justes noces en 1886, quinze ans après leur rencontre. Plusieurs toiles d’Henri Martin, de Louis Valtat, Henri Lebasque et Maximilien Luce compléteront cette vacation.

Marc Ferri a réuni, lui aussi, quelques belles toiles modernes pour sa vente patchwork du mois de décembre (13 décembre à Drouot) dont une petite huile de Bonnard de 1900, Jeune fille au chien dans le parc (1-1,2 million de francs) et un pastel de Degas, Femme en robe mauve assise dans un fauteuil (3-3,5 millions de francs). Tableaux et sculptures modernes... et représentation filiale seront également au programme de l’étude Million & associés qui dispersera le 19 décembre à Drouot-Montaigne une huile des années 1910 d’Auguste Renoir figurant son fils, Jean (900 000-1 million de francs). S’ajoute à ce tableau une toile peu connue de Vuillard (Nu au canapé, 700-800 000 francs), une belle vue de La Seine à Paris de Stanislas Lépine (350-400 000 francs) et un Bouquet de fleurs de Braque des années 1948-1950, acquis auprès de la galerie Maeght (250-300 000 francs).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°116 du 1 décembre 2000, avec le titre suivant : Surréel, n’est-il pas ?

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