Amitiés russo-américaines

Les musées russes à la recherche de belles Américaines

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 15 décembre 2000 - 862 mots

L’accord récemment signé entre le Musée Pouchkine de Moscou et le Musée des beaux-arts de Houston intervient après le partenariat conclu entre le Guggenheim et l’Ermitage, alliance concrétisée par la construction par Rem Koolhaas d’un bâtiment à Las Vegas.

SAINT-PETERSBOURG (de notre correspondant) - “Ce genre de collaboration stimule la créativité de manières diverses et nous sommes heureux de voir que l’échange d’art et d’expertise entre Moscou et Houston profitera à une très large partie du public”, se félicite Irina Antonova, directrice du Musée Pouchkine. Ses nobles pensées ne sont toutefois pas les raisons les plus pressantes à la signature d’un accord entre le Musée Pouchkine et le Musée des beaux-arts de Houston. Visant l’organisation d’expositions, de prêts à long terme et une politique éditoriale et éducative commune entre les deux musées, le partenariat intervient après l’acquisition récente de plusieurs édifices publics par le musée russe dans le centre de Moscou, dont le palais de la Noble Assemblée à proximité du Kremlin. Le Musée Pouchkine vient de s’agrandir et il cherche des fonds : “ces vieux bâtiments ont besoin d’être restaurés et nous ne disposons pas des moyens financiers pour le faire, déclare Julia Garba, porte-parole du musée. Nous espérons que notre coopération avec le Musée de Houston s’étendra à long terme à la restauration de ces édifices.”

La collaboration sera inaugurée en 2001 avec la toute première exposition du Musée Pouchkine sur l’art africain. Quelque 200 pièces de la collection Glassell d’or africain du Musée des beaux-arts de Houston seront acheminées à Moscou. En décembre 2002, le musée américain exposera environ 76 peintures françaises provenant des collections russes. Une sélection “best of”, puisqu’elle regroupe Poussin, Renoir, Cézanne, Picasso ou encore Matisse. Philip Morris sera le sponsor exclusif de l’exposition qui se déplacera ensuite au High Museum of Art d’Atlanta et au Los Angeles County Museum of Art. Dans le même temps, le Musée Pouchkine multiplie les amitiés américaines. Il vient d’annoncer la création de l’Association des Amis du Musée Pouchkine, gérée par Patti Birch, galeriste et philanthrope de Manhattan.

Collage surréaliste
Mais l’axe Pouchkine/Houston fait pâle figure face aux velléités de la Fondation Guggenheim et du Musée de l’Ermitage. Les deux géants ont trouvé dans le Venetian Resort Hotel Casino de Las Vegas (lire le JdA n° 110, 8 septembre), le lieu idéal pour convoler en justes noces. Situé au sur le Strip, le complexe hôtelier se singularise par ses façades vénitiennes, sa reconstitution du pont du Rialto et de canaux, gondoles comprises ! Un hall d’exposition de 705 m2 est en construction à l’intérieur du casino, et, à l’extérieur du complexe, entre l’hôtel et le parking, s’élève un nouvel édifice de sept étages qui offrira plus de 5 850 m2 d’exposition. Les deux bâtiments seront inaugurés l’année prochaine.

Il revient à l’architecte hollandais Rem Koolhaas, théoricien des mutations urbaines (lire également en page 6) de réaliser ce collage surréaliste : l’Ermitage et le Guggenheim côte à côte au cœur du Nevada ! Réfutant l’hypothèse d’une intervention dans un Theme Park (Parc à thème), il dit agir dans “l’urbain contemporain”. Pour lui, “Las Vegas est devenue une véritable ville. Et comme les autres, elle a besoin de plus d’’entertainment’”. Interrogé sur l’introduction des musées dans la sphère du divertissement, il estime que “ce n’est pas propre au projet”. “Le Centre Georges-Pompidou est dans le même cas. Les musées ont besoin d’argent et l’État ne leur en donne pas”, rajoute ce dernier. Le casino sera le propriétaire officiel des bâtiments, mais les musées contrôleront la programmation, au rythme d’une exposition tous les six mois. Le coût du projet n’a, lui, pas été dévoilé.

“Les expositions mettront en lumière des trésors de l’art du XXe siècle, la moitié provenant de l’Ermitage et l’autre du Guggenheim”, précise Mikhaïl Piotrovsky, directeur de l’Ermitage. “Nous exposerons environ 50 objets et les expositions débuteront l’année prochaine.” Le petit hall ouvrira le bal en février avec une exposition consacrée aux “Chefs-d’œuvre des collections de l’Ermitage et du Guggenheim” et regroupera une quarantaine d’œuvres de Monet, Chagall, Renoir, Gauguin Cézanne, Matisse, Kupka, Derain, et Kandinsky. “Nous comptons sur ces expositions communes pour recevoir de nouvelles sources de revenus. Nous n’allons pas nous déplacer pour demander des fonds, nous voulons planifier la façon de les obtenir”, explique Mikhaïl Piotrovsky.

Des recettes bienvenues
Lieu potentiellement lucratif, Las Vegas devrait ainsi permettre à l’Ermitage de financer ses projets de restauration et de mettre un terme au chantier du bâtiment administratif situé sur la place du Palais, à Saint-Pétersbourg. D’un coût de 150 millions de dollars (environ 1,16 milliard de francs), les travaux devraient d’ailleurs permettre l’ouverture d’un département d’art moderne dans l’édifice. Cet espace sera relativement petit avec 10 ou 15 salles sur les 400 que compte l’établissement. Le Guggenheim fera des prêts à long terme d’œuvres d’art de sa collection et fournira son aide pour organiser des expositions. Parmi les projets figure l’ouverture d’une salle consacrée à Robert Rauschenberg. “Le Guggenheim n’investira pas d’argent, mais il nous aidera en partageant son savoir et son expérience dans ce domaine, conclut Mikhaïl Piotrovsky. Cependant, comme nous collaborerons avec eux aux quatre coins de la terre, nous aurons naturellement des sponsors et des soutiens en commun.”

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°117 du 15 décembre 2000, avec le titre suivant : Amitiés russo-américaines

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