Kornelia von Berswordt-Waalrabe : À l’Est du nouveau ?

Les douze travaux du Musée de Schwerin

Le Journal des Arts

Le 30 mars 2001 - 716 mots

Chef-lieu du Land de Mecklenbourg, Schwerin abrite un des plus importants musées de l’ancienne RDA, fondé en 1882 autour des richesses des ducs de Mecklenbourg. À la tête de cette collection, Kornelia von Berswordt-Waalrabe mesure dans un entretien le chemin parcouru par son institution depuis la réunification et les enjeux à venir.

Dans quel état se trouve le Musée de Schwerin plus de dix ans après la réunification ?
À Schwerin, les travaux de reconstruction ont commencé depuis plus de huit ans. Ils représentent pour l’instant un coût de 12 millions de deutsche marks (DM), soit environ 40,2 millions de francs ; pour la restauration du musée uniquement, nous avons besoin de 100 millions de DM (335 millions de francs) supplémentaires. À ce rythme, les travaux ne seront pas terminés avant une trentaine d’années ! Nous sommes tous d’accord pour dire que l’art ne doit pas être notre préoccupation première dans la reconstruction de l’Allemagne réunifiée, mais si on prend en compte la valeur des œuvres d’art stockées dans ces locaux, qui sont parfaitement inadaptés pour la conservation des œuvres, le problème prend une dimension économique. Nous possédons ainsi le plus important fonds de peinture hollandaise en Allemagne. Je suis convaincue qu’une collection de ce type relève de la responsabilité nationale et mérite une intervention ciblée de la part du gouvernement central. Pour cette raison, nous nous sommes fixé comme priorité de faire connaître l’importance de notre musée, en commençant par les habitants du Mecklenbourg. À l’Ouest, les musées ont été l’objet de constants réaménagements depuis les années 1950, tandis qu’ici rien n’a jamais été restauré. D’une certaine manière, on a ainsi évité des destructions abusives.

Comment avez-vous mené votre campagne de sensibilisation ?
Attirer le public au musée est une idée complètement nouvelle pour une institution de l’ex-RDA. Sous le régime communiste, la visite d’un musée était intégrée dans la journée consacrée à la culture que les entreprises étaient obligées d’offrir à leurs employés une fois par mois. Il est aujourd’hui difficile de convaincre les citoyens de l’ex-Allemagne de l’Est qu’une telle activité peut être divertissante. Il n’est pas suffisant de rester dans sa nouvelle maison, assis devant sa télé parce qu’on est fatigué après le travail. Les gens doivent comprendre que s’ils veulent vivre des expériences nouvelles, c’est à eux de s’organiser. Aujourd’hui, nos musées proposent des expositions et des conférences, ils sont ouverts le soir.

Comment votre politique d’expositions et d’acquisitions s’insère-t-elle dans votre programme ?
Grâce aux ducs du Mecklenbourg, une dynastie de mécènes pendant des siècles, le Musée de Schwerin dispose d’une collection exceptionnelle de maîtres anciens. De plus, pendant les années 1920, lorsque les collections sont passées sous la gestion du Land, un directeur éclairé a vendu de nombreuses œuvres d’arts graphiques d’artistes étrangers et a acheté à la place des pièces allemandes contemporaines, parmi lesquels Max Liebermann, Lovis Corinth, Wilhelm Trübner et Franz von Stuck. Contrairement aux autres musées de l’ex-RDA, Schwerin a alors su porter un intérêt particulier à l’art contemporain. Nous avons l’obligation morale d’ouvrir cette partie excentrée de l’Allemagne à l’art produit, vu et commenté dans le reste du monde. Dans cette optique, nous avons acquis des œuvres de nos compatriotes comme Icke Winzer, Gotthard Graubner ou Sigmar Polke. Ce dernier a d’ailleurs fait une importante exposition ici en 1996. Pour l’étranger, nous avons acheté des pièces de François Morellet ou de George Rickey.

Quels sont vos projets pour les années à venir ?
Cette année, nous avons programmé quatre expositions. La plus importante et la plus exigeante est celle de dessins de Caspar David Friedrich et de Johan Christian Dahl, organisée en collaboration avec la National Gallery d’Oslo : l’époque où nous devions tout faire tout seuls est enfin révolue. En 2000, nous n’avons organisé que des expositions conçues à partir de notre fonds. L’argent ainsi économisé a pu être injecté dans la restauration d’objets et l’élaboration de catalogues de notre collection. Tout cela a permis de créer un lien entre le musée et les habitants de cette région en leur montrant combien il est important de conserver ce que l’on possède déjà. Nous avons reçu pour les travaux de restauration 85 000 DM (285 000 francs) de dons provenant de petits groupes de donateurs privés. Ce n’est pas une somme énorme, mais cela représente beaucoup pour nous.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°124 du 30 mars 2001, avec le titre suivant : Kornelia von Berswordt-Waalrabe : À l’Est du nouveau ?

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