Bâtiment d’équerre

Philippe Gazeau primé par \"Le Moniteur\"

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 27 avril 2001 - 572 mots

Les Prix d’architecture 2000 des éditions Le Moniteur ont, une fois n’est pas coutume, récompensé deux réhabilitations : le centre sportif Léon-Biancotto, à Paris, revu et corrigé par l’architecte Philippe Gazeau et le Hangar 14, à Bordeaux, transformé par quatre jeunes architectes girondins en une vaste halle d’exposition.

PARIS - Peut-on produire de l’architecture de qualité à partir de bâtiments existants, qui plus est médiocres ? À en croire le palmarès 2000 des prix remis le 5 avril par Le Moniteur, la réponse est positive. Le groupe d’édition, qui décerne chaque année depuis 1983 l’Équerre d’argent à un bâtiment remarquable et le Prix de la Première Œuvre à la réalisation d’un jeune architecte, a, cette fois, mis à l’honneur deux réhabilitations.

La plus prestigieuse récompense, l’Équerre d’argent, a été décernée au centre sportif Léon-Biancotto, à Paris. Sont ainsi primés l’architecte, Philippe Gazeau, quarante-sept ans, ancien lauréat de la Première Œuvre en 1985, ainsi que le maître d’ouvrage, la Ville de Paris. Construit dans les années 1940 porte de Clichy (dans le XVIIe arrondissement de Paris), le centre sportif était à l’origine constitué de trois bâtiments indépendants : une piscine, une salle de sports collectifs et un gymnase. Dans un premier temps, Philippe Gazeau n’a pas hésité à reculer de quatre mètres la façade de l’édifice principal, mettant à nu de magnifiques portiques de béton au dessin si moderne qu’on les croirait coulés pour l’occasion. Il a ensuite réuni les trois constructions orphelines par une galerie diaphane de 150 mètres de long, qui offre désormais au centre sportif une façade unitaire derrière laquelle s’épanouit un jeu étrange entre éléments anciens et parties nouvelles, entre intérieur et extérieur. Les espaces sont simples, et les matériaux économiques : polycarbonate translucide, structure métallique industrielle... Philippe Gazeau a conçu son projet “en réaction face à la suresthétisation de certains équipements récents”. Un choix qui s’avère au final sensible et élégant.

Une quête de modestie architecturale
Les quatre jeunes architectes girondins – Christophe Gautié, Véronique Tastet, Jean-Philippe Lanoire et Sophie Courrian – ont adopté la même attitude pour le Hangar 14 qui obtient, lui, le Prix de la Première Œuvre. Hissé dans les années 1930 sur un quai du port de Bordeaux, le Hangar 14 est en fait une ancienne gare maritime longiligne (120 mètres) entièrement en béton, que le quatuor a métamorphosée en une lumineuse halle d’exposition. Au rez-de-chaussée, des baies en polycarbonate translucide ; à l’étage, devant des passerelles en bois, de larges fenêtres sont ouvertes sur le fleuve et la ville. Pour gagner de la place à l’intérieur, les escaliers ont été placés à l’extérieur, se retrouvant déployés en façade à même le quai. Là encore, le choix de matériaux bruts (acier galvanisé, polycarbonate translucide...), donc économiques, a primé. Ce répertoire industriel, judicieusement inséré dans la structure de béton originelle, insuffle aujourd’hui une modernité toute neuve à un édifice longtemps considéré comme sans intérêt.

Décidément en quête de modestie architecturale, le jury du Moniteur a aussi tenu à donner cette année une Mention au Prix de la Première Œuvre à un projet de seize logements réalisé par le trio Janine Galiano, Philippe Simon et Xavier Ténot : quatre petits immeubles de ville qui se sont subtilement glissés dans une parcelle minuscule du XXe arrondissement de Paris. Après avoir parfois récompensé des projets plutôt médiatiques, telle, en 1998, une maison en Gironde signée Rem Koolhaas, le jury a semble-t-il voulu clore le XXe siècle en toute humilité.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°126 du 27 avril 2001, avec le titre suivant : Bâtiment d’équerre

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