Fétiches troublants

Turin accueille une exposition de Cornelia Parker

Le Journal des Arts

Le 11 mai 2001 - 554 mots

Le Musée municipal d’art moderne de Turin a confié à la jeune commissaire Alessandra Pace l’organisation d’une série de dix expositions personnelles d’artistes (relativement) jeunes, de Monica Bonvicini à Kcho. L’institution accueille actuellement dans ce cadre les travaux de Cornelia Parker, artiste née en 1956 qui vit et travaille à Londres.

TURIN - Les photographies de ciels et de nuages présentées dans la première exposition personnelle en Italie de Cornelia Parker semblent vraiment idylliques. Seul problème, ces images ont été prises par le commandant du camp de concentration d’Auschwitz. Plus loin est suspendue une chemise de nuit de femme : il s’agit de celle portée par Mia Farrow dans le film Rosemary’s Baby. Roman Polanski s’est inspiré du massacre de sa femme à Bel Air par Charles Manson pour réaliser ce film d’horreur, l’un des plus noirs des années 1970. Les “prélèvements” et ready-made de l’artiste britannique font toujours référence au fétichisme, à une mémoire historique qui, une fois dévoilée, rend ces objets paradoxaux ou troublants. L’exposition, organisée par Alessandra Pace pour le cycle “Repérages”, présente de nombreuses œuvres inédites, dont une série de “dessins pornographiques”, ainsi définis par l’artiste car réalisés à partir de restes de films “hard” saisis et brûlés par la police.

La guillotine de Madame Tussaud
En récupérant la mémoire des choses et en leur restituant ainsi un sens, Cornelia Parker arrête le cours de l’histoire : cette suspension est également physique puisqu’elle a coutume d’accrocher élégamment des fragments d’objets au bout de fils transparents. Ainsi à Turin, deux vêtements nuptiaux, un de femme et un d’homme, se font face dans le vide. L’habit masculin est perforé de projectiles en forme de perles, comme si celles-ci avaient été retirées du vêtement de la mariée, lui-même criblé de trous de pièces de monnaie, celles que les hommes ont l’habitude d’oublier dans leurs poches. Si les passionnés des aventures de Kay Scarpetta dans les ouvrages de Patricia Cornwell ne manqueront pas de remarquer certaines ressemblances (de Body of Evidence à All that Remains), les deux vêtements évoquent l’ambiance plus légère de “Beetlejuice”, le petit monstre démoniaque et méchant du cinéma qui veut épouser la maîtresse de la maison qu’il envahit. Parmi les autres pièces de l’exposition se trouvent une poupée ayant appartenue à l’écrivain Mark Twain, décapitée avec la guillotine de Madame Tussaud, l’inventeur du musée de cires, ou de la terre provenant des tranchées récemment creusées pour les travaux de restauration de la tour de Pise.
Parallèlement, du 19 mai à septembre, le Musée d’art moderne de Turin présente une anthologie de l’œuvre de Mimmo Jodice, photographe napolitain âgé aujourd’hui de soixante-dix-sept ans. L’exposition réunit 150 œuvres, notamment de sa période peu connue des années 1960, lorsqu’il évoluait dans un milieu expérimental. La manifestation met en exergue un passage à une dimension plus lyrique, en 1980, liée aux Vues de Naples et aux œuvres inspirées par le mythe et les paysages méditerranéens. Ces thèmes se retrouvent dans la série Eden (1998) dans laquelle la cité parthénopéenne est représentée comme le lieu de l’équilibre entre le bien et le mal, ainsi que dans l’archipel des gens et paysages de Île Méditerranée.

- Cornelia Parker, jusqu’au 17 juin, Galleria civica d’arte moderna, Via Magenta 31, Turin, tél. 39 562 99 11, tlj sauf lundi 9h-19h, et MIMMO JODICE, du 19 mai à septembre

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°127 du 11 mai 2001, avec le titre suivant : Fétiches troublants

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