Doux comme la neige

Une sélection d’artistes suisses à Marseille

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 25 mai 2001 - 721 mots

Après l’exposition l’an passé de la collection d’œuvres du Fonds régional d’art contemporain de Provence-Alpes-Côte d’Azur au Centre d’art de Frauenfeld (Suisse), nos voisins helvètes rendent la pareille avec “Je pense donc je suisse�?. Sous la houlette de la critique autrichienne Sabine Schaschl, la manifestation répond avec humour au slogan de Ben, « La Suisse n’existe pas », en présentant une douzaine d’artistes suisses considérés comme partie prenante d’une génération ascendante.

MARSEILLE - L’Homme sur la lune de Zilla Leuthenegger met le monde à l’envers : debout, la jeune fille fait pipi sur la Lune pendant que la Terre brille dans l’espace. Plus onirique que revendicatrice, la forme prise par cette réclamation territoriale et féministe est en accord avec la majorité des œuvres présentées dans l’exposition “Je pense, donc je suisse”. Ainsi, dans Babette de Fränzi Madörin, Muda Mathis et Sus Zwick, une Suissesse explique calmement son expérience de la guerre en ex-Yougoslavie. Enjoué, son témoignage sur le bruit des missiles est ponctué par des gros plans sur un chou rouge coupé ou une tasse de café qui tourne. Complétée par les autoportraits de Muda Mathis qui entourent le moniteur, l’installation – par son sujet, sa composition et son chromatisme acidulé – se rapproche de l’univers développé par une ancienne collaboratrice de la vidéaste, Pipilotti Rist. Moins célèbres sur la scène internationale que cette dernière, la douzaine d’artistes suisses réunis sont considérés par la commissaire de l’exposition, Sabine Schaschl, directrice du Centre d’art de Frauenfeld, comme des individualités fortes inscrites au sein d’une génération ascendante. Pourtant, par sa réponse directe au slogan de Ben “La Suisse n’existe pas”, “Je pense donc je suisse” appelle avec un humour certain à une réflexion sur une éventuelle identité artistique confédérée.

Difficile toutefois d’opérer quelques rapprochements que ce soit entre les œuvres présentées ici, comme les silhouettes de Lucky Luke en gaze de Paul Ritter (Draw), ou le glacier artificiel d’Eric Schumacher, installé comme un sas à l’entrée de l’espace du Frac. Reste pourtant un sentiment diffus de légèreté et de flottement, comme celui ressenti devant le Pré de Stephan Altenburger. Image d’un paysage enneigé à l’échelle 1, ce grand tirage monté dans un caisson lumineux nie tout caractère représentatif à la photographie en réduisant sa surface à un simple motif. Comme les Burning Pictures de Rahel Müller dans lesquelles les limites de l’appréhension visuelle sont lourdement suggérées à travers des vues de la mer, ces œuvres sont de l’ordre de l’affleurement, du superficiel. L’univers du duo L/B constitué par Sabina Lang et Daniel Baumann est tout aussi ouaté. Proche des recherches picturales de leurs compatriotes Francis Baudevin et Stéphane Dafflon, le duo manie avec Modul # 1 une esthétique “lounge” qui fleure bon les années 1970, la relaxation et le chant des baleines. Enfin, pas plus que le School of bad ideas inscrit en lettres de néon vert par Lori Hersberger, les frasques d’Olaf Breuning n’effraieront personne. Pourtant, accoutrés dans des costumes baroques du Ku Klux Klan (Princess), ou assis devant une Porsche dans des costumes gothiques que ne renierait pas le groupe de rock Kiss (911), ces personnages sorti de King (un court-métrage présenté par l’artiste jusqu’au 26 mai à la galerie Air de Paris, lire le JdA n° 127, 11 mai 2001) portent la panoplie complète du film d’horreur. Là, aussi tout est dans l’ambiance.

Une collection passée en revue

Gros plan sur les acquisitions réalisées ces dix dernières années par le Fonds régional d’art contemporain Provence-Alpes-Côte d’Azur, Collection 1989/1999 (éditions Actes Sud, 2000, 460 p., 250 F) répond par sa mise en page et son contenu aux missions de patrimonialisation et de diffusion de l’institution. Si chaque artiste bénéficie d’une courte notice sur son travail, d’une biographie et d’une bibliographie, ce sont les œuvres qui sont privilégiées avec une reproduction de chacune d’entre elles et la liste des expositions dans lesquelles elles ont été montrées. Le tout est introduit par un texte de Michel Maffesoli sur le “principe de collection�?, et accompagné par des essais de Jean-Charles Masséra, Joseph Mouton ou encore Catherine Francblin. La suite des épisodes est attendue avant 2010, puisque avant janvier prochain, le Frac publiera une revue annuelle qui, outre la documentation des acquisitions de l’année écoulée, comprendra un dossier sur l’action pédagogique et offrira un espace de réflexion avec des textes plus généraux sur la création contemporaine.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°128 du 25 mai 2001, avec le titre suivant : Doux comme la neige

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