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Dictionnaire critiquable

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 8 juin 2001 - 538 mots

Conduit par Emmanuel de Waresquiel, le Dictionnaire des Politiques culturelles de la France depuis 1959 rassemble en 340 notices autant de sujets ayant trait à l’action du ministère de la Culture depuis sa création. Mais, confondant trop souvent juge et partie, l’ouvrage souffre d’un manque de crédibilité scientifique évident.

Dans son avant-propos, Emmanuel de Waresquiel le remarque avec justesse : “En tout état de cause, quelle que soit la définition du mot culture, ‘l’exception culturelle’ française réside dans le fait que depuis la fin du Moyen Âge, la Monarchie, puis la République ont cherché à faire des ‘Arts’, des ‘Beaux-Arts’ puis de la ‘Culture’ une dimension du gouvernement de l’État.” Fallait-il pour autant prolonger cette exception par un “dictionnaire critique” des politiques culturelles en France depuis 1959 ? Partant du postulat qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, l’auteur a naturellement demandé à de nombreux acteurs, institutionnels et politiques, de rédiger les notices sur les sujets qui leur étaient chers. Ministre de la Culture de 1978 à 1981, Jean-Philippe Lecat a ainsi été chargé d’écrire sur Valéry Giscard d’Estaing, “un ‘jeune’ président qui voudra conduire le changement culturel nécessaire, et saura le rendre supportable”. Jack Lang, reçoit, lui, un éloge supérieur à André Malraux. Mais après tout, “comment reprocher à cet anxieux d’aimer à plaire, à ce politique d’utiliser les moyens actuels de la publicité, à ce travailleur de chercher à faire partager son optimisme, quitte à constater que sa faiblesse est peut-être dans le vocabulaire enthousiaste et répétitif dont il use à temps et à contre-temps ? Le style, ici, n’est pas toujours à la hauteur de l’homme”, remarque fraternellement Robert Abiracheb, directeur du Théâtre et des Spectacles de 1981 à 1988.

Visiblement conscient de ces abus, Emmanuel de Waresquiel remarque en introduction, que les acteurs culturels nommés ici “n’occupant plus les fonctions qu’ils évoquent, [ils] ne sont donc pas à la fois juge et partie”. C’est vrai, ils se contentent de faire le bilan de leurs actions passées (Michel Laclotte et le Louvre, Jean Digne et la coopération culturelle internationale...). Et encore, c’est omettre Dominique Ponnau, directeur de l’École du Louvre qui traite de cet établissement à la “place tout à fait centrale dans le dispositif français et international de l’enseignement de l’histoire de l’art” ; Bruno Racine, directeur de l’Académie de France à Rome, qui propose le tour du propriétaire de la villa Médicis, ou Michel Collardelle, directeur du Musée national des arts et traditions populaires qui signe l’article sur... les ATP. Le lecteur se fera un plaisir de compléter la liste en consultant les biographies des rédacteurs. Si le dictionnaire, avec tout de même 110 auteurs, brille par certaines contributions réellement critiques – comme celles de Jean-Michel Leniaud sur les sujets ayant trait à la politique du patrimoine, ou de Pierre-Eric Mounier-Kuhn sur le ministère de François Léotard et Philippe de Villiers (“les méthodes de Gramsci mises au service des idées de Jean-Paul II”) –, l’édifice est trop partial pour être considéré comme un ouvrage de référence scientifique. Reste une anthologie de textes à lire avec un œil critique.

- Emmanuel de Waresquiel (dir.), Dictionnaire des politiques culturelles de la France depuis 1959, Paris, éditions Larousse, 2001, ISBN 2-03-508050-9, 672 p., 360 F

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°129 du 8 juin 2001, avec le titre suivant : Dictionnaire critiquable

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