L’art du camouflage

Le « Camoshow » assiège le Musée de Wiesbaden

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 8 juin 2001 - 455 mots

Après avoir déferlé sur le monde de la mode dans différentes variantes, des vêtements aux accessoires, le camouflage envahit l’art. Mais loin de ces motifs devenus décoratifs, Alexis Vaillant, commissaire de « Camoshow », réinvestit ses fondements pour en faire le moteur d’une exposition.

WIESBADEN - Devant le Musée de Wiesbaden se dresse un étrange sonar, non pas vestige de la présence des forces armées américaines dans cette capitale du Land de Hesse, mais intervention du collectif d’artistes AAA Corp. pour l’exposition “Camoshow”. Cette œuvre est d’ailleurs la seule de la manifestation à jouer de la rhétorique militaire, tant la notion de camouflage est entendue ici dans son sens métaphorique. Le hall d’entrée de l’institution, largement inspiré de la chapelle palatine d’Aix-la-Chapelle, en est le plus parfait exemple. Sur un écran placé en hauteur, Brice Dellsperger propose en effet un parcours dans le musée basé sur le remake d’un film de Brian De Palma. La femme de l’œuvre originale est jouée par l’artiste-travesti qui replace in situ la scène.

Le “Camoshow” a en effet balayé d’un revers de main les principes balisés des expositions temporaires qui se déploient sagement dans des espaces qui leur sont réservés. Ici, point de lieu spécifique : les artistes ont installé leurs pièces parmi la collection permanente du musée, s’immisçant dans les brèches, se cachant même parfois, entretenant souvent un rapport inattendu avec des créations issues d’une autre époque et d’un autre contexte. Ainsi, Helena Montesinos propose de chausser un casque de walkman qui capte une musique différente en fonction du lieu où il se trouve. Les visiteurs se déplacent alors en rond, créant dans l’espace des formes qui font écho aux ovales dessinés par Robert Mangold sur les toiles accrochées aux cimaises. L’effet est saisissant même si les lecteurs-diffuseurs auraient gagné à être eux-mêmes camouflés ! Dans la salle où Valentin Carron a posé sa guitare carrée, Petra Mrzyk et Jean-François Moriceau ont recouvert un mur de dessins, assiegeant une peinture de Jawlensky. “Il n’y a pas de camouflage sans combat”, assure Alexis Vaillant qui a dû batailler ferme pour imposer à l’institution cet acte perçu comme un crime de lèse-majesté. Au fil des salles, le visiteur découvre les interventions de Suzanne Bürner, David Domingo, Isabell Heimerdinger, Arnaud Maguet ou Jonathan Monk. Dans un espace à part, Matthieu Laurette a réuni quant à lui un ensemble de bouteilles d’alcool dont les étiquettes reproduisent diverses œuvres signées par des artistes. Un ensemble peut-être moins “subversif” que les autres propositions mais qui, à l’instar de la danse de Brice Dellsperger, saurait tout aussi bien nous faire tourner la tête.

- CAMOSHOW, jusqu’au 1er juillet, Museum Wiesbaden, Friedrich-Ebert-Alle 2, Wiesbaden, tél. 49 611 335 21 70, tlj sauf lundi 10h-17h, mardi 10h-17h

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°129 du 8 juin 2001, avec le titre suivant : L’art du camouflage

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