Retour de Révolution culturelle

Par Jonathan Napack · Le Journal des Arts

Le 8 juin 2001 - 429 mots

Après des années d’ignorance, le gouvernement chinois a décidé de réprimer l’avant-garde et appelle à « propager la théorie marxiste de l’esthétique ». Des nouvelles lois menacent les artistes désormais passibles de peines de prison.

PEKIN (de notre correspondant) - Sculptures utilisant des animaux vivants, ou prenant pour matière première des cadavres, les travaux présentés sous forme de vidéos par Peng Yu, Xiao Yu, Zhu Yu, Sun Yuan, Zang Han Zi et Qin Ga lors de “Partage d’exotismes”, édition 2000 de la Biennale de Lyon, montraient le radicalisme de la scène artistique chinoise et sa liberté face au régime communiste. Malgré le caractère peu orthodoxe de leurs œuvres, les artistes contemporains semblaient échapper à la mainmise du gouvernement sur les activités de ses citoyens. Mais ces installations agressives, qui allaient jusqu’à singer des actes de cannibalisme, ont fini par attirer l’attention des dirigeants conservateurs lors de l’Assemblée populaire nationale. En avril, le ministère de la Culture a distribué un document condamnant les spectacles d’avant-garde, qu’il considère comme des “actes abjects” qui “perturbent l’ordre social, corrompent les valeurs sociales [et] portent atteinte à la santé mentale et physique collective”. S’ensuit la nécessité traditionnelle de “protéger l’ordre social, de purifier l’environnement culturel et d’éliminer les détritus culturels”. La circulaire se poursuit en interdisant expressément “les spectacles sanglants, violents ou obscènes dans les lieux publics” et en distinguant “l’exhibition des parties génitales”. L’interdiction englobe également la publicité des spectacles par l’intermédiaire de vidéos, de photographies ou même par voie écrite. Enfin, elle exige que soit lancée une “propagande visant à améliorer la capacité de la population à distinguer et à apprécier l’art” et rejette toute couverture médiatique de ces activités, même négative. Plus inquiétant est l’ordre donné à tous les “départements intervenant dans la création artistique, l’éducation ou la recherche” de “propager la théorie marxiste de l’esthétisme” et de “renforcer le contrôle des activités de création” par le biais d’un suivi redoublé. Une vulgate bureaucratique qui laisse entrevoir un grand nettoyage : “Nous devons trouver qui est responsable de l’absence de contrôles stricts et de la négligence dans les fonctions de supervision qui ont entraîné ces effets néfastes.” L’art jugé subversif est soumis au droit pénal, avec des peines d’emprisonnement allant de trois à dix ans. Déjà, l’autocensure est de mise chez des artistes privilégiant leur survie. Si le spectre d’une nouvelle Révolution culturelle plane, le mouvement est également à inscrire dans un cycle de répression appelé à se calmer quand l’attention des conservateurs se tournera vers d’autres centres d’intérêt. “Tue un cochon pour effrayer la volaille”, résume un vieux dicton chinois.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°129 du 8 juin 2001, avec le titre suivant : Retour de Révolution culturelle

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