Politique culturelle

Un nouveau facteur d’attractivité

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 13 février 2008 - 1047 mots

Acteurs majeurs de la culture, les Villes lui consacrent une part importante de leur budget annuel. Mais ces collectivités souhaiteraient assainir leur relation avec l’État.

Les chiffres sont éloquents. Quand les départements consacrent 1,9 % de leur budget à la culture, soit 19,40 euros par habitant, et les régions 3,9 % (sport et loisirs compris), soit 15,60 euros par habitant, les budgets municipaux en la matière s’envolent. La culture représente en moyenne 10 % du budget des villes de plus de 10 000 habitants et peut atteindre 15 à 20 % dans les grandes villes. Certaines villes moyennes, de 50 000 à 100 000 habitants, y consacrent parfois près de 20 % de leurs subsides (1). Les municipalités jouent donc un rôle majeur en termes de politique culturelle. Dans un contexte de raréfaction de la manne publique, elles dament parfois le pion à l’État. « Je considère que la culture et la création sont des moteurs du développement économique et de la cohésion sociale », estime Michel Thiollière, sénateur maire (UMP) de Saint-Étienne (Loire) (lire p. 22), qui en a fait l’un des arguments de sa mandature. À Roubaix (Nord), le Musée La Piscine est aussi devenu l’un des symboles de la reconversion de l’ancienne cité textile, victime de la désindustrialisation. Aux yeux de nombreux élus, la culture, alliée au tourisme, est désormais un nouveau facteur d’attractivité et de développement. David Lisnard, adjoint au tourisme et au développement économique de la Ville de Cannes (Alpes-Maritimes), n’hésite pas défendre la notion de « marque » culturelle. La recherche de vecteurs d’image en est aussi l’un des signes tangibles. Ainsi de l’engouement récent pour le titre de « Capitale européenne de la culture », ou encore de l’enthousiasme pour des labels plus modestes, tel celui de « Ville d’art et d’histoire ». Les élus ont également pris conscience que la culture pouvait être créatrice d’emplois : 50 000 emplois directs sont ainsi recensés à une échelle locale, auxquels s’ajoutent 500 000 emplois indirects, principalement dans le tourisme.
L’action culturelle joue donc un rôle de premier plan. Mais pour quels résultats ? « Au niveau municipal, la politique culturelle est une réussite en ce qui concerne le spectacle vivant, les bibliothèques, voire les musées », note Florian Salazar-Martin, président de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC). L’architecture fait aussi désormais partie des thèmes récurrents des discours des élus, qui s’offrent avec plaisir les services de grands noms de la discipline pour bâtir leurs équipements. Le bilan est en revanche moins satisfaisant en ce qui concerne le patrimoine, notamment dans les petites villes, qui s’appuient très souvent sur la Fondation du patrimoine pour entretenir leurs monuments de proximité. Autre domaine moins privilégié : les arts plastiques, qui demeurent l’apanage des grandes villes comme en témoignent les commandes publiques récentes liées aux travaux d’infrastructures de transport à Bordeaux, Paris, Mulhouse ou Nice. À de très rares exceptions près comme Sérignan (Hérault), qui a offert en 2006 à ses 6 000 habitants un ambitieux musée d’art contemporain. « Nous incitons les collectivités à développer les résidences d’artistes sur le territoire », précise toutefois Florian Salazar-Martin, qui déplore la faible implication des Villes dans ce domaine.

Pour le maintien des DRAC
Depuis la fin des années 1970, l’engagement des Villes en matière culturelle est donc tangible. Au risque, redouté par certains, d’une instrumentalisation à des fins politiques ? Les historiens du droit Jean-Pierre Allinne et Renaud Carrier notent que le mode de gestion privilégié des Villes demeure la régie directe (2) : manifestation d’un profond conformisme, mimant l’action de l’État et/ou volonté de garder la mainmise sur les budgets votés ? Les fréquentes crispations entre adjoints à la culture – élus – et directeurs des affaires culturelles, fonctionnaires territoriaux en charge de la continuité de l’action culturelle, peuvent le laisser penser. Néanmoins, le pragmatisme impose désormais aux maires d’initier la plupart des investissements en partenariat avec les communautés de communes, mais aussi de concert avec les autres collectivités. À condition de faire fi des oppositions politiques entre Ville, département et Région.
Paradoxalement, pour les édiles, la principale difficulté réside aujourd’hui dans les relations nouées dans ce domaine avec l’État. « Nous ne sommes pas dans un duel entre l’État et les collectivités, observe Florian Salazar-Martin. Mais, sous prétexte de déficit, l’État a cette tendance lourde et inacceptable de laisser un pan de ces responsabilités aux collectivités, tout en continuant à dicter sa loi. » Et même si Paris n’est pas ouvertement privilégiée – seuls la moitié des crédits de la Rue de Valois pourtant sont destinés à des opérations menées en province –, le ministère de la Culture ne respecte pas ses engagements, comme l’illustre tristement le cas du Mucem à Marseille, pour lequel seul l’État n’a pas versé sa contribution. Conscientes que l’ère des grands investissements nationaux est révolue, les Villes attendent désormais de pouvoir tisser des relations constructives avec l’État. « Il faut à l’avenir que le ministère de la Culture puisse signer des contrats État-ville en matière culturelle, ce qui serait une marque de confiance vis-à-vis de nos politiques », plaide Michel Thiollière. Autre perspective, celle de la multiplication des établissements publics de coopération culturelle (EPCC), dont le statut a été assoupli en 2006. Ces structures permettent d’associer les collectivités mais aussi l’État dans la création de services publics culturels. C’est là l’un des souhaits formulés dans le « Manifeste pour la culture des grandes villes de France », adressé à la ministre de la Culture en octobre 2007. Dans ce document, l’Association des maires des grandes villes de France réclame de l’État la garantie d’une intervention équilibrée sur l’ensemble du territoire, à travers notamment le maintien des directions régionales des Affaires culturelles (DRAC) en tant qu’interlocuteurs privilégiés de leurs actions. Leur appel est clair : à défaut de distribuer des subsides, l’État doit assumer pleinement son rôle en matière d’expertise afin que les politiques culturelles, désormais largement assumées par les collectivités, irriguent avec équité l’intégralité du territoire. Plus que jamais, celles-ci observent donc avec attention la réforme annoncée par le ministère de la Culture.

(1) source : ministère du Budget
(2) Jean-Pierre Allinne et Renaud Carrier, Gérer la culture en région. Les pratiques des collectivités territoriales en France, éd. L’Harmattan, Paris, 2007, 220 p., 19 euros.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°275 du 15 février 2008, avec le titre suivant : Un nouveau facteur d’attractivité

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