Chroniques italiennes à Ajaccio

Le Musée Fesch rappelle les affinités entre les Bonaparte et l’Italie

Le Journal des Arts

Le 29 juin 2001 - 572 mots

Aussi bien sur le plan politique que symbolique, l’Italie occupe une place centrale dans l’imaginaire napoléonien. Des campagnes militaires aux règnes des Napoléonides, l’exposition du Musée Fesch conte l’histoire de ces affinités électives entre une famille, les Bonaparte, et un pays, l’Italie.

AJACCIO - “Un peuple endormi apprit en ces mois qu’après tant de siècles César et Alexandre avaient un successeur”, écrivait Stendhal dans La Chartreuse de Parme. Il s’appelait Napoléon Bonaparte, et c’est en Italie qu’il se manifeste pour la première fois comme stratège militaire et chef d’État. Deux tableaux, qui ouvrent l’exposition, illustrent le caractère fondateur de l’épopée transalpine dans son ascension politique et la construction du mythe : Le Général Bonaparte au pont d’Arcole, 17 novembre 1796, de Gros, et Napoléon franchissant les Alpes au col du mont Saint-Bernard de David. En passant sous silence les espoirs déçus du peuple italien et les saisies révolutionnaires, cette première section souligne les ambiguïtés du culte napoléonien, dans lequel l’admiration pour le grand homme, qui, par sa seule volonté, s’est porté au faîte du pouvoir, occulte trop souvent le prix humain payé à cette folle entreprise de conquête. Le catalogue en revanche apparaît plus équilibré. Ces réserves mises à part, les 82 œuvres et objets rassemblés à Ajaccio montrent comment “les arts ont servi à Napoléon à imposer son pouvoir et son autorité en Italie”, selon les termes de Jean-Marc Olivesi, conservateur du Musée Fesch. La politique étant affaire de symboles, l’Empereur les manipule à l’envi. Après avoir ressuscité l’Empire, il devient roi d’Italie en 1805, tandis que Joseph de Beauharnais est fait vice-roi. Les deux hommes sont immortalisés ici par des portraits d’Andrea Appiani, qui propose par ailleurs de nombreux projets de décors citant explicitement l’art antique. Les fouilles sur le Forum de Trajan notamment alimentent cette résurrection de la Rome des Césars. D’autres artistes comme Canova ou Bartolini apporteront leur pierre à l’édification de la légende. Non content de s’appuyer sur leurs talents, Napoléon, en véritable peintre de son propre règne, détermine lui-même la forme et les couleurs de tous les vêtements de la famille impériale, des princes et autres dignitaires, dont quelques-uns sont présentés dans l’exposition. Autre symbole, le titre de roi de Rome est donné à son fils en 1811. Sur le portrait de Gérard le figurant avec Marie-Louise, il présente, malgré son jeune âge, le même regard déterminé et impétueux que son auguste père. Grâce à cet enfant aux traits d’adulte tenu dans ses bras par l’Impératrice, le peintre cultive d’ostensibles allusions au schéma immémorial de la Vierge à l’enfant, et place même une grenade dans ses mains !

À l’instar du souverain, les membres de la famille impériale ont cultivé les arts et fait de l’Italie leur seconde patrie, même après 1815 : Madame Mère et Pauline à Rome, Marie-Louise à Parme, Élisa en Toscane, Caroline à Naples. Mais s’il est une figure emblématique de ces affinités italiennes, c’est bien le cardinal Fesch, l’oncle de Napoléon, dont le buste par Canova accueille le visiteur à l’entrée de l’exposition. Grâce à ses fabuleuses collections de peinture italienne, le musée ajaccien cultive encore aujourd’hui cette passion de l’Italie.

- NAPOLÉON, LES BONAPARTE ET L’ITALIE, jusqu’au 30 septembre, Musée Fesch, 50-52 rue cardinal Fesch, 20000 Ajaccio, tél. 04 95 21 48 17 ; du 1/07 au 30/08, tlj 9h-18h30, lundi 13h30-18h, vendredi 9h-24h ; du 1/09 au 30/09, tlj 9h15-12h15 et 14h15-17h15, lundi 13h-17h15. Catalogue, 176 p., 210 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°130 du 29 juin 2001, avec le titre suivant : Chroniques italiennes à Ajaccio

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