Les métamorphoses d’Eduardo Chillida

Le Journal des Arts

Le 31 août 2001 - 505 mots

Première grande rétrospective consacrée à Eduardo Chillida en France, l’exposition présentée par la Galerie nationale du Jeu de Paume réunit une centaine d’œuvres. Cinquante années de création, de 1951 à nos jours, sont rassemblées pour offrir aux spectateurs la vision d’une œuvre rigoureuse et diverse, tant dans ses formes que dans les matériaux employés.

PARIS - Longtemps attendue et toujours différée, la grande rétrospective de l’œuvre de Chillida vient finalement de voir le jour à Paris, ville dans laquelle l’artiste a résidé de 1948 à 1950, au tout début de sa carrière. Sans doute déterminante dans l’évolution de son travail, la rencontre avec Constantin Brancusi, durant son séjour parisien, lui révèle l’importance des questions liées au socle dans la sculpture. Les premières pièces de l’artiste, réalisées en fer forgé comme l’œuvre intitulée De l’intérieur (1953), témoignent de son désir de s’inscrire dans une tradition abstraite, même si certains de ses motifs paraissent issus de l’univers rural et évoquent des formes d’outils.

L’exposition du Jeu de Paume, qui rassemble un nombre important d’œuvres de cette période, permet d’appréhender la véritable modernité de la démarche du sculpteur qui aborde, entre autres, les questions de sérialité et de mouvement. Partant d’une barre de fer qu’il découpe et tord, il réalise un ensemble de sculptures uniques, car toutes différentes, mais parentes car issues de la même forme originelle : Gesto (1957), Au Bord (1957-58). “Chillida, par l’approche de sa pensée, préfigure les grands courants artistiques des années 1960 et 1970 : les minimalistes, et le groupe Support-Surface par exemple”, explique Daniel Abadie, commissaire de l’exposition et directeur de la Galerie du Jeu de Paume. La scénographie souligne l’aspect très graphique de ces œuvres sans socle, qui reposent directement sur des banquettes, et que le commissaire d’exposition peut présenter dans n’importe quelle position sans que le sculpteur ait voulu imposer un point de vue privilégié. Réversibles, elles se déploient dans l’espace en offrant au regard du spectateur une multiplicité de lecture. Ce jeu avec l’espace s’accentue dans les réalisations monumentales plus tardives comme l’imposante Étude pour le Peigne du vent VI (1968) qui provient du siège de l’Unesco à Paris, ou encore les stèles conçues en hommage à des personnages illustres, Pablo Neruda et Salvador Allende. “À la différence des sculptures de Rodin construites un peu à la manière d’un déroulé cinématographique, les œuvres de Chillida évoquent des paysages escarpés qui se transforment à chaque nouveau virage”, ajoute Daniel Abadie. Ces métamorphoses concernent également les matières – albâtre, terre chamottée, acier – et les techniques, en particulier le dessin, qui sont venues progressivement enrichir le langage plastique du créateur, et mettre en exergue les préoccupations récurrentes de l’artiste : le plein et le vide, la légèreté et la lourdeur, l’ombre et la lumière, la densité et l’éclatement.

- Eduardo Chillida, jusqu’au 16 septembre, Galerie nationale du Jeu de Paume, 1 place de la Concorde, 75008 Paris, tél. 01 42 60 69 69, tlj sauf le lundi 12h-19h, mardi 12h-21h30, samedi et dimanche 10h-19h, catalogue, éd. RMN, 264 p., 280 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°131 du 31 août 2001, avec le titre suivant : Les métamorphoses d’Eduardo Chillida

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